In English, en español, em português.
La vente directe, par téléphone ou internet, a énormément gagné de terrain pendant cette pandémie, en démontrant sa grande capacité de vente et de résilience. Grâce à cette forte progression, un grand nombre d’hôteliers sont passés d’une attitude passive ou neutre envers la vente directe au fait de la considérer comme un pilier stratégique dans leur distribution. Dans ce post, nous analysons les raisons de cette explosion et, dans un second post, pourquoi une partie de ce changement sera permanente, et ce que doivent faire les hôtels pour la consolider.
Le segment des loisirs ou leisure est en tête de la reprise
La Covid a représenté une révolution dans la distribution hôtelière à court et moyen terme, avec des segments qui ont mieux résisté, et d’autres où la reprise s’annonce lente et douloureuse. Celui qui a le moins souffert et qui se redresse le plus rapidement est le segment des loisirs ou leisure. Il enregistre déjà ces dernières semaines des hausses par rapport à 2019 pour des séjours sur la période estivale, principalement. À l’opposé, nous trouvons les segments MICE, corporate et, sans aucun doute le plus touché, celui des groupes.
Les chaînes hôtelières françaises, majoritairement des sociétés privées qui ne cotisent pas en bourse, montrent peu d’empressement à partager leurs données de segmentation. Ce n’est pas le cas aux États-Unis, où les grandes chaînes cotisent et font état de leurs résultats fréquemment et en détail. Dans le dernier rapport de leurs résultats Q1 de 2021, nous pouvons constater cette grande différence de rendement par segment.
Un mélange de canaux très différent
Cette « danse » des segments en génère automatiquement une autre au niveau des canaux, où certains subissent une perte fracassante de parts de marché tandis que d’autres vivent leur « période la plus favorable ». Nous parlons toujours de niveau de parts de marché ou de poids de vente et pas tellement de valeurs absolues, bien que ces dernières semaines de fort pickup, certains canaux ont enregistré des chiffres absolus record.
Les canaux les plus touchés sont les tour-opérateurs traditionnels, très impactés bien qu’ils opèrent dans le segment leisure, ainsi que le GDS, plus orienté vers les entreprises même s’il concerne aussi le leisure, en particulier le client américain. En revanche, les canaux online répondent en général beaucoup mieux. Un transvasement de parts de marché de l’offline vers l‘online sans précédents pour beaucoup.
Peu remettent en cause qu’à long terme (2 ans) une grande partie des choses reviendront à la normale aussi bien au niveau de la segmentation que des marchés émetteurs. Cependant, il paraît aussi évident qu’une partie de ce revirement devrait perdurer bien que cela ne soit pas du goût de tous. On a du mal à croire que la vente via tour-opérateur retrouve ses niveaux pré-Covid ou que la vente corporate récupère ses chiffres au même niveau d’il y a à peine 2 ans. Ce contexte a changé beaucoup de choses et pour toujours.
Parmi les canaux les plus rentables se démarque la vente directe, qui surprend locaux comme étrangers, avec des augmentations de parts de marché jusqu’à 300%. Selon un récent rapport de Siteminder, le canal direct a gagné des parts de marché dans presque tous les pays analysés, en détrônant Expedia dans la plupart de ces derniers, et se rapprochant de Booking.com.
Pourquoi cela arrive-t-il ? Cela a-t-il été anticipé par les hôtels ou s’agit-il d’une conséquence de tout ce contexte ? Nous allons l’analyser.
Pourquoi la vente directe donne de meilleurs résultats que le reste et vit « son meilleur moment »
Nombreuses sont les raisons qui ont conduit à cette situation et il est évident que chaque hôtel se reflètera dans une d’elles ou dans toutes.
• Les clients recherchent des informations fiables sur l’hôtel.
Face à la situation si incertaine, les clients s’efforcent de rechercher l’information à la source et rien de tel pour cela que le site internet de l’hôtel. Ils ne font pas confiance à ce que dit Booking.com car l’information pourrait ne pas avoir été actualisée, ni à la dernière review de Tripadvisor car elle n’est sûrement plus valable. Les hôtels qui ont le plus profité ce transfert sont ceux qui ont le plus pris soin de leur canal direct, internet et téléphone, en matière de communication sur les protocoles Covid, les dates d’ouverture de l’hôtel ou des espaces communs, ainsi que sur la nature des services disponibles ou pas. Un effort qui paie.
• Des clients plus nationaux et même de proximité :
– Un recours inférieur à l’avion et, par conséquent, à la vente paquétisée (dans ce cas, Expedia est la grande perdante).
– Une importance plus grande de la marque hôtelière et du taux de de répétition, ce qui avantage à nouveau énormément la vente directe par rapport à la vente intermédiaire.
– Même langue et même fuseau horaire. Comme il s’agit de clients locaux, il leur est plus facile de contacter l’hôtel via le site internet ou le téléphone pour répondre à leurs questions ou réserver. Comme il s’agit d’un appel local, cela leur coûte moins cher qu’un appel international.
• Une souplesse supérieure des canaux en ligne pour redémarrer plus rapidement.
Ouvrir un extranet ne prend que quelques minutes tandis que réactiver une vente de tour-opérateur, d’agences et même de grossiste prend toujours plus de temps, surtout quand il s’agit de ventes à court-terme. Pour réactiver la vente de vols, il faut une demande constante dans le temps, quelque chose qui n’est pas arrivé que récemment et qui reste encore très timide. L’arrêt du régime d’activité partielle pour le personnel ou les investissements en marketing pour encourager la demande sont des actions qui requièrent aussi du temps. C’est pourquoi, les clients ne pouvaient souvent réserver un hôtel qu’en ligne et, pour les hôtels les plus dynamiques, déplacer cette vente vers le canal direct n’était pas un défi très difficile à relever.
• Internet comme échappatoire aux confinements permanents.
Nous avons vécu de nombreux mois enfermés à la maison, en comptant les sorties sur les doigts de la main. Internet, et les dispositifs mobiles en particulier, ont été nos compagnons de voyage des heures entières. Pendant tous ces mois, la seule façon de réserver un voyage était d’avoir recours à internet. Cela a permis aux plus réticents de dépasser leur peur de réserver et d’acheter en ligne.
• Absence de segments groupes, MICE et entreprises.
Comme nous l’avons vu précédemment, il y a des segments clés pour beaucoup d‘hôtels qui se trouvent encore au plus bas. Cela fait que tout ce stock d’ordinaire réservé est désormais disponible pour le leisure et le online comme solution de secours. Une conséquence involontaire pour le reste des hôtels, cependant, est qu’ils sont en concurrence sur la base des prix avec le reste des hôtels.
• La fidélisation présente des avantages.
Les hôtels qui disposaient de clients bien identifiés et fidélisés ont pu s’appuyer sur eux pour débuter la reprise et générer ces premières réservations sans avoir recours aux OTA. Rien de tel pour la majorité des clients que de se rendre dans un hôtel qu’ils connaissent déjà pour revenir à la normalité. L’importance stratégique de la fidélisation se démontre une fois de plus.
• De mauvaises expériences avec l’intermédiation à cause de la pandémie.
Bien qu’il existe des histoires pour tous les goûts, rare est celui qui n’a pas d’anecdote à raconter au sujet de litiges très difficiles à résoudre concernant un billet d’avion ou une réservation hôtelière non-remboursable. Attention car il est vrai aussi que beaucoup d’hôtels ont disparu et qu’ils n’ont jamais répondu, mais ceux qui ont démontré de l’intérêt envers leurs clients et leurs ventes directes, ont marqué beaucoup de points pour la reprise de leur vente. Conscientes de cette situation, les OTA et principalement Booking.com ont pris la décision unilatérale de défendre « leurs » clients et de convertir leurs réservations non-remboursables en des réservations flexibles, ce qui a déclenché les foudres d’un grand nombre d’hôtels et un grand mécontentement vis-à-vis de l’intermédiation qui a affiché son visage le plus fermé.
• De meilleures conditions sur le site internet que sur les OTA.
Bien que beaucoup d’hôtels, parmi lesquels presque toutes les grandes chaînes hôtelières, proposaient déjà de meilleures conditions que les OTA sur leur canal direct, le fait de maintenir cette politique combinée à l’augmentation conjoncturelle du nombre de visites de leur site internet a eu un effet multiplicateur, et ils ont ainsi obtenu d’excellents résultats en vente directe.
Conclusion
Bien que la vente directe prenait déjà de l’ampleur année après année, la pandémie a marqué un tournant pour un grand nombre, et la vente directe est passée d’être un canal supplémentaire à devenir un élément stratégique et un actif dont il faut prendre soin et qu’il faut développer. Sans aucun doute, toutes les variables qui ont favorisé cette croissance vont s’inverser et revenir à la normalité. Il est naïf de penser que cette situation durera toujours. En revanche, il en serait de même d’admettre que tout reviendra comme avant. La plupart des changements survenus au cours de ces 16 derniers mois cesseront d’être conjoncturels et deviendront structurels, et offriront une grande opportunité aux hôtels de consolider et de pouvoir développer davantage la stratégie de leur canal direct.
Rappelons-nous que la vente directe n’est pas un objectif en lui-même et qu’aucun hôtel ne peut vivre uniquement de la vente directe. Ce qui est vraiment important pour tout hôtel est de maximiser sa rentabilité et de créer un modèle durable sans être dépendant d’aucun intermédiaire. Dans la quête de cet équilibre, il est évident que la vente directe joue et jouera encore plus à partir de maintenant, un rôle fondamental.