Aude Naveilhan7 minutes de lecture

La difficile cohabitation entre Booking.com et votre site internet

En español. In English.

On nous demande parfois pourquoi nous parlons autant de Booking.com et pourquoi nous le positionnons comme un ennemi alors qu’il n’en est rien. Ce n’est pas notre vision. Dans ce post, nous essayons d’en expliquer les raisons.

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Les bons côtés de Booking.com

Au cours des dernières années, Booking.com a réalisé un merveilleux travail en apportant beaucoup de valeur aux hôtels et en les accompagnant dans le changement de modèle de distribution devenu nécessaire et que tout hôtel doit suivre avec l’arrivée d’internet. Les principales nouveautés et les bons côtés ont été les suivants :

  • Paiement direct à l’hôtel.
  • Actualisation immédiate de la disponibilité et des prix.
  • Élimination progressive des allotements (il semble qu’il les ait désormais éliminés complètement).
  • Une plus grande transparence. Il nous a rapproché du client qui paraissait très lointain à une époque (nous ne le connaissions qu’à l’arrivée).
  • Une plus grande rentabilité grâce à un coût « raisonnable » dont Booking.com s’obstine à affirmer, avec un ton intéressé, qu’il est de 17%, alors que nous savons déjà qu’il est en réalité de 18.7% minimum pour les hôtels “non préférés” et de 20.9% pour les “hôtels préférés”.
  • Contrôle du PVP (étant donné qu’il s’agit d’un paiement direct). Nous sommes passés d’un manque total de contrôle sur le prix payé par le client à un prix payé par le client qui est fixé par l’hôtel. Malheureusement peu d’intermédiaires peuvent garantir la même chose.

Booking.com dispose également d’une plateforme qui frôle la perfection en prenant en compte les besoins les plus urgents de l’hôtelier en un clic et sans avoir besoin d’envoyer de mail ou de téléphoner. À cette technologie, il a ajouté une strate de services (son équipe d’account managers) pour accompagner les hôteliers dans l’utilisation de cette dernière et répondre à toutes leurs questions, en plus de proposer des nouveautés de manière proactive. Tout ce cocktail de produit et service a fini par éblouir, à raison, un grand nombre d’hôtels qui se sont mis à bookiniser.

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L’union Booking.com – hôtel a bien fonctionné jusqu’à ce que ce dernier commence à gagner des parts de marché assez élevées, pour arriver à dépasser 30% et même 50% du total, ce qui a éveillé les soupçons, pour ne pas dire la peur, chez les hôteliers, mais a aussi fait exploser les coûts de distribution. Non seulement il a « englouti » le reste des intermédiaires en ligne mais a commencé également à « engloutir » le canal direct (site internet et téléphone). Beaucoup d’hôtels ont alors commencé à gagner moins, alors que leurs revenus étaient en hausse (d’où l’importance de parler de RevPAR net, ou de goppar, et pas seulement de RevPAR).

Mais tous les hôtels ne se trouvent pas dans cette phase. Un grand nombre d’entre eux, en particulier les hôtels saisonniers, vivent encore cette lune de miel où la relation avec Booking.com est positive et crée de la valeur. Ces hôtels, sans même le savoir, sont très chanceux puisqu’ils ont l’opportunité de ne pas répéter les erreurs que d’autres ont commises et qui les ont conduits à la bookinisation.

Pour briser la dépendance, il faut stimuler la vente directe

Face à ces parts si élevées des OTA, en particulier Booking.com, l’hôtel prend la décision de stimuler à nouveau sa vente directe. Dans certains cas, il souhaite ramener cette vente au niveau atteint dans le passé, dans d’autres cas, son but est de la faire croître tout simplement puisqu’elle était devenue résiduelle. Quel que soit le cas, le conflit est garanti. La raison n’est autre que le site internet de l’hôtel et booking.com se disputent les mêmes clients. C’est-à-dire :

  • Si vous souhaitez gagner une réservation sur votre site, vous devrez « la soustraire » (je préfère dire « la récupérer ») à un autre canal, et dans la majorité des cas, le canal sera Booking.com.
  •  Aucun client ne réservera sur votre site internet sans avoir également consulté Booking.com (et bien d’autres sites parmi les OTA et les comparateurs).

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Somme nulle

Chez Mirai, nous soutenons qu’il s’agit d’un « jeu à somme nulle ».

Vous ne pouvez pas gagner une réservation sur votre site internet sans la soustraire à un autre canal

Cela est dû à une raison simple que les OTA remettent en question et que bon nombre d’hôtels évitent : le site internet d’un hôtel NE génère PAS de nouvelle demande et canalise uniquement celle qui existe. Cette affirmation est à nuancer. Il y a des actions qui apportent certainement une nouvelle demande à l’hôtel (c’est-à-dire de nouveaux clients que nous n’auriez pas autrement) mais l’impact est si limité et implique des coûts si élevés (non assumables la plupart du temps) qu’elles minimisent considérablement votre efficacité.

La meilleure stratégie et la plus réaliste pour stimuler votre vente directe est d’amener sur votre site internet de la vente en provenance d’autres canaux.

Zone de confort : confortable mais des résultats limités

Nous aimons tous notre « zone de confort ». C’est psychologique et très humain. Dans la relation OTA/vente directe, la « zone de confort » a consisté historiquement à « jouer selon les règles des OTA » ce qui nous a conduits jusqu’à ces niveaux de vente intermédiaire. Les OTA cherchent à vous faire oublier le développement de votre vente directe parce qu’elle « ne vous rapporte rien » et qu’elle « est très compliquée ». Et si vous vous décidez à renforcer votre canal direct, que vous vous concentrez exclusivement à travailler et à améliorer votre site internet, il vous faudra appliquer des mesures de type SEO, SEM et autres actions marketing en ligne d’une portée limitée et qui impliqueront des coûts croissants (qui tôt ou tard vous considérez comme non assumables).

Dans la « zone de confort ou de non-conflit », les OTA, et Booking.com encore moins que les autres, ne seront pas beaucoup gênées par toutes vos actions. Cela les amuse beaucoup en réalité.

Dans cet hypothétique match entre la vente directe et l’OTA, beaucoup d’hôtels se trouvent dans cette position de l’échiquier, qui est, presque, celle de la sortie. Ils ont obtenu des gains intéressants mais ont atteint un plafond et aspirent, comme beaucoup, à conserver la part obtenue. Ils admettent que se développer dans la « zone de confort » n’est pas très viable.

Zone de conflit : inconfortable mais efficace

Une fois que vous acceptez qu’il faille agir autrement pour continuer à croître, vous prenez irrémédiablement le chemin de la sortie de la zone de confort. Vous admettez que la manière la plus efficace de stimuler votre canal direct consiste à limiter la vente des autres canaux et par conséquent bannir le « open bar » (tous les canaux ne sont pas égaux). Bienvenue dans la « zone de conflit ». Cela peut faire peur, mais soyez tranquille, ce n’est pas si grave.

Dans cette nouvelle zone, vous serez face à des décisions qui ne sont pas du tout du goût des OTA : réduire le nombre de canaux en éliminant ceux qui n’apportent pas de valeur (quelque chose qui plait beaucoup à Booking.com parce qu’il fait partie de ceux qui restent), disputer l’utilisation de vos marques sur Adwords et les comparateurs, rompre la parité des prix et, surtout, la parité de stock (auxquelles les OTA s’accrochent avec force car cela leur profite clairement), et enfin, sortir le chéquier pour investir afin de communiquer au monde que vous avez des chambres et de surcroît au meilleur prix (principalement sur les comparateurs mais également email marketing, display, etc.).

Tous ces sujets reviendront de façon récurrente dans votre négociation avec tous les canaux. Leur réaction, entre autre celle de Booking.com, est de tenir en général un discours inquiétant, sur la légalité contractuelle (plusieurs pratiques étant légales en France aujourd’hui), et de menacer de vous exclure du programme “hôtel préféré”. Si vous subissez cette pression des OTA c’est parce que vous vous y prenez bien. Si votre relation avec les OTA est merveilleuse et pleine de bonheur c’est parce que vous restez dans la zone de confort où elles gagnent et où vous perdez, ou du moins vous ne gagnez pas autant que vous pourriez.

Sortir de la zone de confort n’est pas du plus évident. Cela requiert des outils, de la stratégie et de la tactique. Le faire précipitamment et sans réfléchir ne fonctionne pas. En revanche, avec un bon plan et une feuille de route, on peut y arriver parfaitement et sans risques (ou avec un risque faible).

 

Il n’y a pas de « zone de conflit » permanente. Ce ne serait pas viable. Après un certain temps, vous finirez par trouver un nouvel équilibre avec les OTA qui sont restées à l’intérieur, parmi elles Booking.com, dans lequel tout le monde y gagne et pas elles seulement.

Conclusion

Booking.com est, aux côtés de TripAdvisor, la plus grande vitrine sur internet pour rechercher et choisir un hôtel sur une destination. C’est une vitrine fondamentale et vous en avez besoin. En outre, vous ne devez pas craindre que Booking.com vende beaucoup tant que vous comprendrez comment cette vente est générée et qu’elle vous aidera à améliorer la rentabilité de votre hôtel.

Cependant, les OTA et Booking.com, comme toute entreprise, regardent surtout leur rentabilité (et non la vôtre). Un grand nombre de leurs actions créent un évident conflit d’intérêts et pour qu’elles gagnent, vous devez perdre. Parmi les nombreux exemples, le plus parlant à nos yeux est celui de Booking Genius, dont nous avons expliqué le fonctionnement il y a quelques temps en profondeur, nous publierons bientôt les raisons pour lesquelles nous croyons que les hôtels doivent abandonner Genius dès que possible.

La combinaison « confort, zone de confort et rentabilité élevée » n’existe pas. Trouver le channel mix optimal, celui qui maximise la rentabilité, requiert du travail, la sortie de la zone de confort, de la constance et de la négociation pour retrouver l’équilibre. Beaucoup l’ont déjà fait. D’autres s’y sont mis. La grande majorité n’a même pas commencé.

 

5 opinions

  1. Quand je lis cet article, j’ai vraiment l’impression que mon Hotel est posé sur une autre planete. Comment se fait-il que j’ai ne serai-ce qu’un seul client qui réserve chez moi, absent du catalogue Booking? .

    • Nous vous remercions de votre commentaire et vous félicitons. Il est toujours très intéressant pour nous de voir que certains établissements réussissent à se passer de Booking.com. Bien que Booking.com reste une vitrine très intéressante pour l’hôtel si elle est bien utilisée, vous êtes la preuve qu’elle n’est pas non plus incontournable. Vous avez su activer d’autres leviers, tels que la satisfaction de votre clientèle, je vois notamment que vous avez un très bon ranking sur TripAdvisor, une autre vitrine très intéressante. La fidélisation de votre clientèle est probablement également un point très important sur votre hôtel. Chaque hôtel est très différent et les leviers à utiliser sont diverses et variés.
      Nous vous remercions encore pour votre participation.
      Bonne journée,

      Aude

  2. Vous soulevez une super question ! Je rêverais de mettre 1 chambre à vendre sur booking et 5 disponibles en vente directe, mais alors, il faut abandonner le chanel manager et travailler manuellement ?

    • Bonjour Pierre,

      Merci pour votre commentaire.
      Sur certains channel managers, vous avez la possibilité de gérer la disponibilité par canal ou par groupe de canaux. Tous ne le proposent pas, c’est vrai. Autre “astuce”, appliquer un tarif à “0” sur le canal que vous souhaitez fermer et ainsi les ventes seront fermées automatiquement.

      Aude

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