Les médias se sont largement fait l’écho de la nouvelle annonçant qu’Airbnb commencerait à proposer des hôtels. La taille de cette plateforme géante et son potentiel méritent qu’on s’y attarde.
Bien que ses commissions peu élevées aient été évoquées, peu a été dit à propos de l’effet bombe à retardement, sur la distribution, de son système différent de coûts et de prix, un mélange entre le modèle « agence » et le modèle « grossiste », auquel la société a ajouté des caractéristiques uniques.
Voici son fonctionnement
La société Airbnb elle-même résume ses conditions à l’attention des hôtels dans ce document.
Comme dans le modèle agence…
- Elle encaisse une commission sur l’hôtel: 3% (5% sur les tarifs d’annulation stricte). Il faut préciser qu’elle ne prend pas de commission sur les taxes, c’est pourquoi, pour faire la comparaison avec les OTA, qui elles le font, il faut déduire de cette commission le pourcentage qui correspondrait aux impôts.Cela pourrait avoir l’air attrayant… s’il s’agissait d’un modèle d’agence pur comme celui de Booking.com ou d’Expedia.
- Elle transmet le prix, tel quel, de l’hôtel à l’utilisateur. Par exemple, si l’hôtel facture $272, le client voit $272.
D’un autre côté, comme dans le modèle merchant ou grossiste…
- Elle encaisse le client et paie l’établissement ultérieurement
- Elle ajoute un markup : entre 5% et 15%, qu’elle appelle Service fee, mais le concept est très similaire : un montant supplémentaire que l’intermédiaire ajoute pour l’empocher intégralement
- L’hôtel ne connaît pas et ne contrôle le prix final. C’est Airbnb qui décide du montant de ce Service fee
Et pour terminer, la société ajoute des caractéristiques uniques, qui n’ont rien d’habituel dans la distribution en ligne :
- Elle joue la transparence face au client concernant son Service fee. À la différence d’un markup traditionnel, le Service fee d’Airbnb apparaît clairement décompté et séparé du tarif de l’hôtel. Le concept est nouveau : l’hôtel a un tarif et le service d’Airbnb, un autre. Les deux sont facturés au client.
Le système est-il déjà ouvert à tous les hôtels ?
Sont invités à intégrer le système, les hôtels qui présentent certaines caractéristiques : hôtels boutique, bed & breakfasts et, d’une manière générale, les établissements singuliers qui offrent un service personnalisé et de proximité avec le client.
Cela ouvre les portes à un grand pourcentage d’hôtels, plus précisément ceux qui, par leur taille réduite, se trouvent davantage dans une position de vulnérabilité d’un point de vue commercial.
L’hôtel doit faire une demande de participation au partenaire de connectivité (Siteminder par exemple) et doit être accepté par Airbnb.
Quatre éléments qu’elle possède déjà pour impacter le secteur
Taille et potentiel : la distribution actuelle est une affaire de géants, seul un autre géant peut changer les choses. La société croît de 40% en moyenne chaque année et sa valeur de marque n’est pas seulement élevée, mais gagne des places à une vitesse fulgurante.
N’établit pas de contrat : un élément qui lui permettra d’intégrer massivement des milliers d’établissements sans avoir besoin d’un réseau commercial et de contrats individuels interminables. Des connectivités avec les plateformes lui suffisent comme celle qu’elle vient de mettre en place avec Siteminder.
Faible commission pour l’hôtel : cet élément la place en position de lui demander un tarif réduit. Il s’agit du même principe qui est défendu chez Mirai : des canaux au coût réduit méritent un tarif préférentiel, comme c’est le cas pour la vente directe. Les clients d’Airbnb comme les clients directs ont le droit de ne pas payer pour des frais qu’ils n’ont pas générés. Leur facture finale devrait le refléter.
Service fee : un modèle révolutionnaire dans le secteur, par lequel le client assume la responsabilité des coûts qui seront générés en fonction du canal choisi. Actuellement, lorsque l’hôtel pratique encore la parité tarifaire, tous les clients, de tous les canaux sont dans l’obligation de payer pour les bénéfices dont seulement certains profitent.
Depuis qu’elle existe, Airbnb n’a pas eu de problèmes à justifier la commission qu’elle prend au client. En dépit de ce prétendu obstacle, elle jouit d’une meilleure image de marque que les OTA.
Les OTA se vantent souvent de leurs innovations et des investissements qu’elles réalisent en offrant leur excellent service au client. Personne ne remet en question les bons côtés de leur contribution. Cependant, elles n’ont jamais réussi le test final : parvenir à ce que le client soit ravi de payer des frais supplémentaires pour cette valeur ajoutée qu’il reçoit.
Le secteur supporte des coûts de distribution élevés, actuellement transférés de façon égale sur tous les clients, notamment dans le cas de parité tarifaire. Les hôtels pratiquant un meilleur tarif sur leur site web permettent quant à eux au client réservant en direct de payer moins cher, car ils supposé un moindre coût à l’hôtel…Logique. Un coût de distribution transparent, flexible, et payé par le client, en fonction du canal qu’il choisit, est la première étape qui met en place la concurrence pour réduire les coûts, et par conséquent, la facture finale. Airbnb détient ce modèle, et cela se révèle potentiellement explosif.
Quatre éléments qui lui manquent
Des fonctionnalités de gestion plus complètes. Les hôtels ont besoin de plus d’outils que les maisons, les appartements et les chambres, auxquels Airbnb est habituée. La société s’engage à les intégrer dans le courant de l’année. Pour un géant au potentiel d’Airbnb, cette adaptation technologique devrait être du gâteau.
Obtenir un meilleur tarif de l’hôtel, la société avance trois bons arguments pour y parvenir :
- Sa commission est très faible
- Il s’agit de prix nets, ou semi-nets, non comparables au PVP distribué par d’autres canaux. Comment une OTA va-t-elle demander la parité en invoquant un prix final sur Airbnb qui ne dépend pas de l’hôtel, et qui correspond à un autre modèle ? Si un distributeur souhaite avoir les conditions d’Airbnb, qu’il applique le modèle Airbnb.
- Ne possède pas de programmes de remises payées par l’hôtel.
Réduire son Service fee. Il oscille entre 5% et 15%.
Désolé, Airbnb, mais dans les hôtels, un service client 24 h/24 et 7 j/7 est presqu’une condition minimale, et non une valeur différentielle. Cela ne justifie pas, loin de là, un coût supplémentaire de 15%. Vous êtes très loin de concurrencer les services des grandes OTA, qui ont pris largement les devants. Appliquer ce markup vous laisse automatiquement hors du marché.
Le fait qu’Airbnb touche moins de commission entraîne comme conséquence immédiate : moins de capacité d’investissement marketing, c’est-à-dire moins de publicité, un renoncement à des affiliés coûteux, pas de présence sur les méta-moteurs, etc.
…mais c’est ce qui est peut-être positif : le nouveau modèle de distribution tant espéré, avec un coût inférieur, passe inévitablement par une diminution de la sur-dimension atteinte dans le marketing hôtelier. Ce sont ces intermédiaires du marketing (Google et les méta-moteurs) qui s’en verraient affectés : d’un côté, leurs revenus multimillionnaires versés par les fournisseurs seraient réduits, de l’autre, une situation de chaos sur les prix pourrait leur rendre leur valeur de comparateur de prix finaux. Peut-être devraient-ils, comme Airbnb, facturer le client pour leurs services ?
Une question surgit alors : sans la visibilité du marketing en ligne, Airbnb pourrait-elle concurrencer les OTA? Un grand nombre de start-up n’y sont pas parvenu. Airbnb devra compter sur la puissance de sa marque. Son argument majeur sera de parvenir au meilleur prix final. Est-ce que ce sera suffisant ? Il est possible qu’elle n’y parvienne pas, mais si quelqu’un en est capable, c’est Airbnb.
Volonté à toute épreuve : Airbnb a-t-elle toute cette stratégie à l’esprit ? Malheureusement, nous en doutons. Ses documents de présentation destinés aux hôtels n’évoquent pas de réduction du Service fee, n’expriment pas de demande de meilleur tarif et ne mentionnent pas leur intention de transformer le secteur. Espère-t-elle tout simplement, que de transposer tel quel son modèle aux hôtels, lui apportera le même succès ? Si tel est le cas, je crains qu’elle ne pèche par innocence ou par ignorance.
Quel prix l’hôtel doit-il proposer sur Airbnb ?
Le prix ne peut être le même que celui affiché sur les OTA, basé sur le PVP et soumis à la parité tarifaire dans la majorité des pays.
L’hôtel devra charger un prix systématiquement réduit. Réduit de combien ? On peut faire une estimation d’un chiffre qui serait proportionnel à la commission la plus basse appliquée par Airbnb à l’hôtel en comparaison avec les OTA…
Comparaison des commissions Airbnb/OTA :
(exemple d’un hôtel qui paie un pourcentage de taxe de 10%)
OTA
(qui prend également une commission sur les taxes) |
OTA
(calculé sur le net hors taxes) |
Airbnb
(prend une commission sur le net hors taxe) |
Différence OTA/Airbnb |
17% – 25% | 18,7% – 27,5% | 3% – 5% | 13,7% – 24,5% |
Si vous souhaitez traiter Airbnb sur un pied d’égalité, la marche à suivre pourrait être la suivante :
- 15-24% de réduction sur les tarifs flexibles (ceux qu’Airbnb commissionne à 3%)
- 13-23% de réduction sur les tarifs d’annulation stricte (commission de 5% sur Airbnb)
En outre, Airbnb n’applique pas de remises linéaires sur le tarif de l’hôtel, comme le font Expedia ou Booking.com (remise sur les packages, Genius…) si bien que l’ADR net qui en résulte pour l’hôtel n’en sera pas autant affecté… Raison de plus pour récompenser Airbnb avec un prix réduit.
D’autre part, comme ce que vous souhaitez probablement est de gagner plus avec Airbnb, appliquez plutôt la tranche basse des remises.
En réduisant ce prix pour Airbnb, l’hôtel aura rempli sa part du marché. Reste à Airbnb de réduire également la part de responsabilité qui lui incombe.
De la combinaison des deux réductions, dépend le résultat final.
Par exemple, l’hôtel de l’encadré ci-dessous propose un prix sur Airbnb réduit de 11,3%, qu’il affiche sur une OTA : insuffisant. Comme le Service fee s’élève en outre à 15%, le prix final reste supérieur sur Airbnb :
Quel serait le PVP final sur chacun des canaux OTA, Airbnb et vente directe ?
Imaginons un tarif distribué à présent à un PVP de 100 € en parité. Voilà le résultat après avoir tout redéfini dans le but de déplacer la vente vers les canaux les plus rentables pour l’hôtel :
OTA | Airbnb | Direct | |
Prix net que je souhaite toucher | 80 € | 85 € | 90 € |
+ Coût variable du canal | 20 € | 3-4 € | +6 € |
+ Markup : | – | 4-13 € | – |
PVP final : | 100 € | 92 – 102 € | 96 € |
Résultat : le PVP est réduit mais les revenus nets augmentent. L’hôtel y gagne, le client aussi.
Comment cela pourrait-il affecter la vente directe
C’est un sujet qui nous intéresse particulièrement, parce que dans la ligue de la distribution, Mirai est un joueur qui fait partie de l’équipe de la vente directe.
À l’instar de la vente directe, Airbnb génère des coûts faibles et mérite par conséquent de meilleures conditions tarifaires. Même les hôtels qui ne participent pas sur Airbnb profiteront également de l’effritement de l’actuel modèle de distribution basé sur les commissions élevées et la parité des prix (malgré la Loi Macron en France, encore de très – trop ?- nombreux hôtels fonctionnent sur le modèle de la parité tarifaire).
Les hôtels en état de le faire devraient-ils participer à Airbnb ? Oui, ils n’ont rien à perdre. La gestion se fait via channel manager et cela ne suppose pour eux aucune autre nouvelle intervention (excepté le paiement à Airbnb).
Afin de devenir un allié de la vente directe (entendons par « allié » dans le sens où il s’agirait d’un canal ne venant pas dégrader encore le prix net touché par l’hôtel), des questions qui n’ont même pas encore été posées restent sans réponse. Peut-être même qu’Airbnb ignore que ces questions nous préoccupent.
- Est-ce qu’Airbnb affichera l’hôtel sur les méta-moteurs ? Créera-t-elle un concurrent sur une vitrine où l’hôtel est déjà présent ?
- Évitera-t-elle d’enchérir sur la marque de l’hôtel sur Adwords (un autre espace occupé inutilement par l’intermédiation) ? En outre, elle augmenterait aussi bien ses coûts que ceux des autres enchérisseurs, dont la vente directe.
- Offrira-t-elle des remises qui vont au-delà du prix indiqué par l’hôtel ?
- Est-elle prête à changer son système d’encaissement et à permettre le paiement direct à l l’hôtel ?
- …
Conclusions
D’une façon surprenante, ce qui pourrait mettre fin à la parité des prix au niveau mondial, ce ne sont pas les règlementations gouvernementales ni la révolte des hôteliers en faveur de leur vente directe. Cela pourrait bien être Airbnb. Cette société a le potentiel et le modèle pour y parvenir.
Elle ouvre également la porte sur la tant espérée réduction des coûts, qui implique que le client assume la responsabilité des coûts de service qu’il souhaite encourir, et qui implique également que l’hôtel perde le contrôle du prix final.
Airbnb est-elle consciente de son potentiel perturbateur ? A-t-elle l’intention de promouvoir un nouveau modèle ? Nous devrions probablement commencer par lui poser toutes ces questions.
Notre appart’hotel est sur Air B&B depuis 2 ans Hotel JENNY Hagenthal le bas
Bonjour Monique,
Merci pour votre contribution. Quel retour pourriez-vous nous en faire? Etes-vous très active sur la plateforme? Recevez-vous de nombreuses demandes?
N’hésitez pas à nous en dire plus. Je suis certaine que nos lecteurs seront ravis de lire votre témoignage.
Belle journée à vous,
Aude