Un grand nombre d’hôtels donnent de meilleures conditions de stock et de prix à Booking.com et bien sûr à leur propre site web, plutôt qu’à Expedia, ils agissent correctement étant donné qu’ils gagnent plus d‘argent puisque le prix net (après commissions) est presque toujours supérieur.
En revanche, ces mêmes décisions sont rarement prises en fonction des annulations et des coûts que celles-ci engendrent dans chaque canal. Il est difficile d’estimer ou de mesurer ce coût puisqu’il ne laisse pas de trace directe (mais indirecte, oui) sur le prix moyen ou sur la production de chaque canal, mais ce n’est pas une raison pour laquelle nous devons l’ignorer.
Nous analysons dans cet article ces coûts et cherchons à savoir qui est le responsable de l’explosion des annulations : l’hôtel ou le canal de distribution.
Les annulations varient-elles selon le canal de distribution ?
Nous avons choisi 40 de nos hôtels clients et nous avons analysé les annulations (en % des roomnights) sur les quatre derniers mois (janvier-avril 2016) des trois canaux en ligne majeurs : Booking.com, Expedia et le propre site web de l’hôtel. Les résultats sont les suivants :
D’après notre analyse, les annulations de Booking.com sont 104% supérieures à celles du canal direct, contre 31% dans le cas d’Expedia. Le rapport entre Booking.com et Expedia est de +56%, du 1er sur le second.
Il est important de noter que l’annulation d’Expedia varie énormément en fonction du modèle utilisé par les hôtels. L’annulation des tarifs Package est très basse, au-dessous des 3% (les tarifs aériens sont en grande partie non remboursables), celle du modèle Expedia collect (encaissement par Expedia) autour des 12% et le modèle d’Hotel collect (paiement direct à la réception de l’hôtel) est très proche des valeurs de Booking.com aux environs de 35%.
Un exemple aide à mieux illustrer la manière dont varient les coûts de distribution selon chaque canal si nous prenons en compte le coût d’opportunité (manque à gagner) par rapport au fait de n’avoir vendu aucune chambre suite aux annulations.
Supposons que 100 roomnights aient été générées par chaque canal à un prix moyen de 150€, par exemple. Nous assignons à chaque canal le pourcentage d’annulation qui résulte de notre analyse. Nous revendiquons un taux de 85% de récupération de ces annulations (pourcentage optimiste), c’est–à-dire que l’hôtel parvient à les vendre via le même canal après l’annulation et qu’il réussit également à maintenir le prix de vente à 150€. Après addition de ce coût d’opportunité, nous voyons comment la commission finale de Booking.com passerait à 24,8% (augmentation de 6%), celle d’Expedia à 24,8% (augmentation de 2,8%) et enfin celle du site web (que nous obtenons à 8%) augmenterait à 11% (+3%)
Ces chiffres varient d’un hôtel à l’autre. Nous vous invitons à faire ce calcul pour votre établissement et à commencer à appliquer des coûts d’annulation selon chaque canal et obtenir ainsi une vision plus complète de votre distribution.
Pourquoi Booking.com est-il le canal où il y a le plus d’annulations ?
Si l’hôtel applique les mêmes restrictions d’annulation aux trois canaux de la même façon, pourquoi les résultats sont-ils si différents ? De notre point de vue, en voici les raisons :
- Réservations frauduleuses. La réalité est que la grande partie de ces réservations (par exemple pour obtenir un visa dans un pays) arrive par Booking.com puisque c’est l’OTA la plus connue et la plus importante au monde. Ce sont des réservations que l’hôtel a l’habitude d’identifier et d’annuler sur le moment, et dont l’impact est faible, par conséquent.
- Mode de paiement. Expedia génère beaucoup de réservations sur le modèle Expedia collect où Expedia facture le client (pas nécessairement à un tarif non remboursable). Psychologiquement, il a été démontré que payer à l’avance motive le client à réserver lorsqu’il est davantage certain de partir, et par conséquent il aura moins tendance à annuler. Ce mode de paiement évite aussi toute réservation frauduleuse.
- Tarifs sous forme de packages. Un pourcentage élevé (suivant l’hôtel) des réservations d’Expedia comprend un vol, qui en général est un tarif non remboursable. Le taux d’annulation de ces réservations est par conséquent très bas et réduit considérablement la moyenne des annulations d’Expedia. Ce qui serait juste serait de comparer Booking.com avec Expedia dans le modèle de paiement direct à la réception de l’hôtel, mais malheureusement les données dont disposent les hôtels ne sont pas toujours dégroupées de cette façon, ce qui rend difficile l’évaluation.
- Les OTA travaillent plus sur l’inspiration. L’hôtel et son site web, non. Leurs campagnes de mail marketing sont habituelles pour susciter l’intérêt et provoquer l’achat. Beaucoup de clients finissent par le faire mais comme c’est assez flexible, ils jouent à « je réserve et si j’ai le temps et l’argent, j’y vais ; de toutes façons, l’annulation est gratuite ». La phase d’inspiration est encore très loin de la phase de la réservation, c’est pourquoi, il y a de fortes probabilités que finalement un grand nombre de réservations soient annulées.
- Culture de chaque canal. Booking.com pousse de plus en plus les clients à réserver même lorsqu’ils ne sont pas sûrs de vouloir partir. Pour ce faire, le site emploie des dizaines d’accélérateurs d’achat qui font pression à l’aide d’un message « réservez maintenant ou vous n’aurez plus aucune chambre disponible ». Un message qui accroche habituellement ses clients.
Ce jeu spéculatif arrange bien Booking.com. Bien qu’un grand nombre de réservations de chambres soit annulé, beaucoup d’autres ne le seront pas. L’hôtel s’appuiera probablement à nouveau sur Booking.com pour les vendre puisque c’est le canal qui répond le mieux aux ventes de dernière minute.
Booking.com lui-même a réalisé un test il y a quelques temps où il avisait le client lorsque l’hôtel baissait le prix de sa réservation (pour qu’il annule ou qu’il fasse une nouvelle réservation). Un grand service rendu au client mais très mal perçu par les hôtels qui avaient une réponse toute prête : passer tous les tarifs à des prix non remboursables. Finalement, Booking.com a mis fin à cette pratique. Ce service est toujours d’actualité sur www.tingo.com, www.triprebel.com et www.yapta.com
Le discours traditionnel des OTA est que le résultat final est ce qui est le plus important, et s’il est positif, l’hôtel en tirera profit. Les annulations ne sont pas un problème. Cette affirmation n’est vraie qu’en partie et se fonde sur le fait que l’hôtel ne prenne pas le temps de calculer l’impact de ces annulations.
- Le client du site web de l’hôtel est différent. D’après notre expérience, ce client a pour habitude d’être le plus fidèle à l’hôtel et donc spécule moins. S’il réserve dans votre hôtel, il y viendra (à moins d’avoir un imprévu).
En réalité, Booking.com est conscient qu’autant d’annulations posent un problème à l’hôtel et travaille pour réduire leur impact. C’est pourquoi, il a mis en place récemment deux nouveautés : faciliter l’encaissement des réservations depuis son extranet et libérer l’hôtel des impayés de clients en assumant lui-même le risque. Ce dernier point semble être un grand changement de la part de Booking.com. Nous attendons plus de détails.
Que faire pour prendre en compte les annulations de chaque canal ?
Comme nous l’avons vu, même si vous appliquez la même stratégie de distribution et des restrictions d’annulation identiques, chaque canal aura un pourcentage et une anticipation d’annulation différents. Ces annulations vous coûtent de l’argent que vous devriez essayer d’assigner à chaque canal.
Si nous pénalisons Expedia pour sa commission élevée (en fermant des ventes ou en augmentant les prix), nous devrions faire de même aux canaux dont l’impact des annulations est le plus élevé.
Si Booking.com présente le taux d’annulations le plus élevé, vous devriez songer à lui appliquer une politique d’annulation plus restrictive qu’aux autres canaux, en particulier face à votre propre web et en particulier en haute-saison. Un hôtel de vacances par exemple, pendant ses dates de forte affluence, pourrait avoir 21 jours de préavis pour annuler sur Booking.com (ou directement un tarif non remboursable) et maintenir 7 jours sur son site web. Un hôtel urbain sur ses dates à forte demande, pourrait faire de même avec 24 h et 72 h de préavis.
L’autre levier que possède l’hôtel, c’est le prix. Appliquer directement un tarif supérieur aux canaux dont l’impact des annulations est le plus élevé. Si vous parvenez à monétiser l’impact de ces dernières sur chaque canal (chambres non vendues finalement, réduction du prix moyen, coût de personnel, etc.) et que vous le portez à un coût total, vous devriez l’ajouter à la commission de chaque canal, ce qui vous donnerait une vision plus complète de la réalité. La différence de coût entre Booking.com et Expedia se réduira et en revanche augmentera encore plus entre les OTA et votre propre web.
Conclusion
Lorsque nous comparons les coûts canal par canal, nous devons élargir l’analyse et avoir une vision globale. La commission directe ne représente qu’un des nombreux coûts liés à chaque canal. D’autres coûts connus également, bien que rarement calculés correctement, peuvent être les coûts fixes annuels/mensuels ou le rappel sur les ventes. En revanche, nous incluons rarement le coût des annulations dans cette analyse.
Si nous étions capables de le monétiser, nous nous rendrions compte que les canaux qui apparemment sont plus rentables, ne le sont pas tant que cela. Cela confirme une fois de plus que le canal direct est le plus rentable de tous, et qu’il est celui sur lequel l’hôtel doit tout miser dans sa stratégie à long terme.