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Booking n’a jamais cessé de bouger ses pions. Désormais, elle entre sur le marché des cartes de crédit aux États-Unis (in english), un terrain aussi lucratif que compétitif. Pour les hôtels, ce n’est pas une simple nouvelle : c’est un rappel que chaque nouveau mouvement de Booking vise à capter plus de clients et davantage de parts de marché. Qu’est-ce que cela signifie pour votre hôtel ? Dans quelle mesure s’agit-il d’une menace ?
Pour l’instant, uniquement aux États-Unis… mais qu’en est-il du reste du monde ?
Booking détient une part de marché beaucoup plus importante en Europe et en Amérique latine… pourquoi alors commencer aux États-Unis ? La réponse réside dans la culture du crédit et donc dans l’adoption par le consommateur.
États-Unis | Europe | LATAM/Mexique | |
Pénétration du crédit | >75 % des adultes possèdent au moins 1 carte ; en moyenne 3 par personne ; segments plus élevés jusqu’à 7–8 cartes | 20–30 % dans des pays comme l’Espagne ou l’Italie | Modérée, inférieure aux États-Unis, mais supérieure à l’Europe |
Perception sociale | Outil quotidien et aspirationnel | Risque, dette, peu courant hors voyages | Aspirationnel dans les segments moyens et hauts, risque dans d’autres |
Marges financières | Très élevées (intérêts et commissions fortes) | Beaucoup plus faibles en raison de la régulation et de la concurrence | Élevées, mais inférieures aux États-Unis |
Avantages hors crédit | Cashbacks élevés, statuts compagnies aériennes ou hôteliers, amélioration du score de crédit | Peu. Miles ou points. | Miles, points principalement |
Bien que cela puisse sembler novateur en Europe, Booking n’est pas pionnière en la matière. Au contraire, elle entre sur un marché déjà saturé : compagnies aériennes (American Airlines, Delta ou Iberia), chaînes hôtelières (Hilton, Marriott), distributeurs comme Walmart, entreprises technologiques comme Apple ou Amazon, et même des stations-service comme Exxon ou Shell ont leurs propres cartes. Toutes ciblent le même segment hautement convoité : les voyageurs fréquents, les plus rentables et les plus recherchés. Ainsi, bien que le mouvement de Booking soit intelligent, son succès n’est pas garanti, du moins à court terme : elle s’attaque à un terrain où d’autres fidélisent leurs clients depuis des décennies. Peut-être, sur un segment plus généraliste (hors voyageur fréquent), pourra-t-elle gagner des parts de marché (puisque la carte n’a aucun coût annuel). Mais même là, elle affronterait les grandes banques comme Bank of America ou Chase et leurs lucratifs programmes de cashbacks.
La carte arrivera-t-elle en Europe ou au Mexique ?
Peu probable à court et moyen terme en raison de :
- Faible culture du crédit.
- Marges financières plus basses, rendant le modèle moins attractif.
- Adoption limitée de multiples cartes.
Le scénario le plus réaliste, si cela arrivait un jour, serait sous forme d’une carte de débit “plus”, avec cashback limité ou avantages ponctuels.
Les objectifs de Booking
Que cherche Booking avec cette initiative ? Plusieurs fronts à la fois :
- Grignoter des parts à Expedia et aux canaux directs des grandes chaînes, notamment sur le marché émetteur nord-américain, généralement le plus rentable.
- Renforcer son offre client avec plus d’avantages et de réductions, puisque les titulaires de la carte obtiennent automatiquement le statut Genius Niveau 3.
- Diversifier ses revenus grâce aux marges élevées du crédit aux États-Unis, pouvant lui rapporter jusqu’à 1 % de la consommation via ces cartes.
- Branding et marketing dans un pays où la carte de crédit est un symbole culturel.
- Rivaliser avec Expedia pour le leadership aux États-Unis.
- Accéder aux données clients au-delà du voyage (habitudes d’achat et de consommation). Les données, encore une fois, comme objectif invisible mais d’une grande puissance à long terme.
Quel impact pour les hôtels si cela se consolide ?
Même si le succès de la carte n’est pas garanti, il vaut la peine d’anticiper ses conséquences en cas de décollage :
- Plus d’attrait pour le canal OTA : pour un client titulaire de la carte, réserver sur Booking sera encore plus intéressant que sur votre site.
- Dépendance accrue : plus il accumule d’avantages sur Booking, moins il aura d’incitations à réserver en direct.
- Concurrence plus agressive : si Booking génère des revenus supplémentaires avec la carte, elle peut les réinvestir en réductions (créant des disparités) ou en marketing plus puissant.
- Impact inégal selon la typologie : les grands groupes (Marriott, Hilton) disposent de leurs propres programmes, difficilement concurrençables. En revanche, les hôtels indépendants et petits groupes pourraient être touchés.
- Marchés les plus affectés : si vous hébergez beaucoup de clients des États-Unis, cette initiative vous concernera plus tôt que d’autres.
Que pouvez-vous faire en tant qu’hôtelier ?
Il n’est pas facile de rivaliser avec la puissance financière de Booking, mais vous avez quelque chose qu’elle n’aura jamais : le contrôle de vos chambres (stock et prix), ainsi que la capacité à créer des relations uniques avec vos clients.
C’est là que vous pouvez faire la différence :
- Quittez Genius 2 ou 3 : avec la carte, Booking donne déjà accès direct à Genius 3. Rester dans ces programmes affaiblit encore plus votre canal direct. Si Genius 2 ou 3 n’était déjà pas recommandé, c’est encore moins le cas maintenant.
- Renforcez votre canal direct : proposez de meilleurs prix et conditions que sur Booking, surtout en haute saison, lorsque vous en avez le moins besoin.
- Faites sentir au client qu’il est spécial : tout ne se résume pas au prix. L’accueil humain, la flexibilité, une attention à l’arrivée… cela, aucune carte ne peut le donner.
- Créez un programme de fidélisation simple : pas besoin d’un “Marriott Bonvoy”. Une récompense claire et immédiate suffit : remise, meilleure condition de paiement ou d’annulation, réduction au restaurant, bar, spa ou autre service.
- Communiquez mieux : de nombreux hôtels offrent déjà des avantages pour la réservation directe, mais sans suffisamment de clarté. Mettez-le en avant sur votre site, vos emails et à la réception.
- Offrez des avantages locaux que Booking ne pourra jamais répliquer : expériences, gastronomie, activités sur place.
Conclusion
Booking continuera d’inventer de nouvelles initiatives pour croître. La vraie question est : qu’allez-vous faire, vous ? Car si vous ne bougez pas, d’autres le feront à votre place… et finiront par capter vos clients.
La bonne nouvelle, c’est que l’avenir reste entre les mains des hôteliers qui prennent des décisions courageuses. Si vous misez sur votre canal direct, si vous savez communiquer vos avantages et si vous construisez des relations authentiques avec vos clients, vous aurez toujours la meilleure position, indépendamment de ce que fera Booking.