Au cours de ces dernières années, le secteur hôtelier a intégré et affirmé une série d’idées reçues sur les OTA qui, au mieux sont imprécises, pour ne pas dire simplement fausses. Ces « légendes urbaines » nous empêchent de voir la réalité telle qu’elle est et nous conduisent la plupart du temps à prendre de mauvaises décisions.
Ces idées circulent dans les débats, dans les forums du secteur ou dans les conversations. Elles ont toutes une part de vérité mais aussi d’inexactitude, comme toute vérité à moitié vraie.
1. « La vente des OTA est plus efficace que la vente directe »
Il s’agit de la proposition de valeur d’origine des OTA et c’est une manière élégante de dire que « vendre en ligne est compliqué, que cela requiert du savoir-faire, du temps et beaucoup d’argent. C’est pourquoi, si vous le faites vous-même, cela vous coûtera cher. Laissez-nous nous en charger en échange d’une commission qui vous coûtera moins cher que si vous le faites vous-même. »
- C’est vrai lorsqu’il s’agit de nouveaux clients et qu’ils ne connaissent pas votre hôtel. Attirer de nouveaux clients vers votre hôtel (pour ensuite les fidéliser) est ce qu’il y a de plus difficile et de plus onéreux pour un hôtel et une chaîne. Le canal direct souffre beaucoup dans ces cas-là, car il doit investir dans un marketing de stratégies génériques ou dans d’autres actions, afin d’atteindre son public cible. Canaliser ce nouveau client au moyen de votre site internet peut s’avérer beaucoup plus cher que par le biais d’une OTA. Nous ne disons pas que c’est impossible mais ce n’est pas facile et généralement peu rentable.
- C’est faux lorsqu’il s’agit de clients existants ou de clients qui vous ont découverts sur un méta-moteur, sur Google ou toute autre vitrine différente du canal propre de l’OTA. Canaliser par le biais d’une OTA un client qui vous recherche déjà par votre nom ou votre marque (client répétitif, recommandé par un ami, trouvé sur Tripadvisor, etc.) revient plus cher (et par conséquent est moins efficace) que de le canaliser par le canal direct.
Il serait juste de payer aux OTA une commission très élevée pour toute nouvelle vente et une commission très basse par vente existante. Mais cet exercice de transparence ne les intéresse pas, elles préfèrent tout mélanger et se donner l’apparence d’un canal beaucoup plus important qu’en réalité.
Précisons trois arguments à ce sujet qui doivent plaider la cause des OTA :
- La vente directe n’est ni facile ni économique.
- Les hôteliers oublient souvent de nombreux coûts « cachés » qui découlent de la vente directe, ce qui les conduit à penser que son coût est inférieur à ce qu’il est en réalité.
- Pour certains établissements, surtout les plus modestes, l’effort que requiert la vente directe n’apporte pas de compensation suffisante, c’est pourquoi, elle ne devrait pas être leur priorité.
Néanmoins, malgré ces trois arguments, dans l’immense majorité des cas, la vente directe est, sans aucun doute, beaucoup plus efficace que la vente par le biais des OTA.
2. « Booking.com est mon meilleur client »
Le fait que Booking.com vende beaucoup et soit « votre principal canal » ne signifie pas qu’il soit « votre meilleur client ». En réalité, cela n’a rien à voir.
Seule une partie de la vente canalisée par Booking.com est une « nouvelle vente » pour votre hôtel. On entendra par « nouvelle vente », tout client qui ne connaissait pas votre hôtel et qui l’a trouvé grâce à Booking.com. Une grande partie de vos ventes est issue d’autres moyens non directs, c’est-à-dire, des annonces sur Google Ads (sur votre marque) ou d’enchères sur les méta-moteurs (sur votre marque une fois encore) plus la vente de sociétés affiliées. Comment Booking.com va-t-il être votre client pour toute cette vente générée sur un autre site ?
Même pour une vente produite sur leur propre plateforme, il est bon de rappeler que les OTA représentent une grande marketplace qui met de nombreuses ressources à votre portée pour positionner votre produit afin qu’il atteigne le plus grand nombre de clients. Ce sont des vitrines essentielles pour faire connaître votre hôtel au monde entier. Mais le fait qu’une réservation effectuée sur Booking.com transforme Booking.com en votre client, et non la personne à l’origine de la réservation, est discutable. Les hôtels qui ont ce point de vue oublient que le client réel est celui qui se présente au check-in et séjourne plusieurs jours dans leur établissement. Ce qui nourrit cette idée reçue erronée selon laquelle « Booking.com est mon meilleur client » est l’incapacité des hôteliers à créer des relations avec les clients, à les considérer comme des clients à part entière, et à faire en sorte qu’ils reviennent dans leur établissement et réservent directement auprès d’eux.
3. « Les OTA ont des budgets plus importants : difficile de rivaliser avec leurs poches pleines »
Leur taille nous impressionne. Comment peut-on affirmer que la vente directe est capable de concurrencer les OTA, étant donné l’écart de ressources financières disponibles, particulièrement en marketing ?
- C’est vrai en ce qui concerne la capacité financière totale, bien entendu : la taille des grandes OTA est à des années-lumière de l’immense majorité des établissements et des chaînes. Cela s’avère exact également dans la mesure où ces volumes supérieurs leur permettent de négocier des coûts inférieurs et, par conséquent, elles sont plus efficaces dans leurs investissements, bien que nous ayons démenti cet aspect en grande partie dans notre idée reçue n°1.
- C’est faux car l’important est leur capacité proportionnelle et non leur capacité totale. Si nous divisons leur capacité totale par chaque compte des dépenses (chaque hôtel), quel chiffre obtiendrons-nous ? Un chiffre qui équivaudra, au maximum, à la commission que les hôtels leur versent.
Si nous acceptons l’idée que les hôtels financent les OTA et, qu’à la fois, nous affirmons que celles-ci ont plus d’argent que notre vente directe, on en conclura que nous investissons plus dans les commissions que dans la vente directe.
4. « Je ne peux pas proposer un meilleur tarif sur mon site internet car les OTA me contrôlent »
En premier lieu, vous en avez désormais le droit….contrôle ou pas! D’autre part, les OTA se limitent généralement à contrôler vos tarifs dans le reste de la distribution en ignorant le canal direct. Et cela principalement pour deux raisons :
- Le canal direct ne représente pas une menace pour les OTA (chez Mirai, nous œuvrons pour qu’il en soit une) et par conséquent elles ne lui consacrent pas beaucoup de temps pour savoir ce qu’il s’y passe.
- Le fait qu’il y ait une multitude de technologies différentes dans les moteurs de réservation du site internet des hôtels, rend le travail d’automatisation (pour contrôler le prix) onéreux à développer et à maîtriser. C’est pourquoi, elles se limitent à surveiller d’autres OTA, puisqu’au moyen d’une unique technologie automatisée, elles contrôlent des milliers d’hôtels. L’exemple classique est celui d’Expedia qui contrôle Booking.com et vice-versa.
Il est rare que les OTA automatisent le contrôle du tarif du canal direct et, lorsqu’elles le font, c’est parce que :
- La vente de votre canal direct commence à être, ou est déjà, une menace pour leurs ventes.
- Votre hôtel ou votre chaîne est important pour elles (vous vendez beaucoup et elles gagnent beaucoup d’argent grâce à vous).
Avec la Loi Macron, appliquer un différentiel de prix en faveur du site officiel est devenu assez courant, bien qu’encore insuffisamment, et peu d’hôtels sont “inquiétés” sur ce sujet par les OTAs. Un grand nombre d’hôtels seraient surpris du temps que cela prendrait avant qu’ils soient appelés (pour autant qu’elles le fassent) s’ils se mettaient à afficher un meilleur tarif sur leur site internet. Nous vous conseillons d’essayer et de voir ce qui arrive si vous n’avez pas encore mis en place un meilleur tarif sur votre site web, comme vous en avez le droit.
5. « Remplacer la vente issue de l’intermédiation par la vente directe entraînerait un désastre pour l’hôtel »
En 2016, Expedia, au travers de Skift, publiait un graphique au moyen duquel elle prétendait démontrer qu’il n’était pas rentable pour l’hôtel de déplacer les ventes issues de l’intermédiation vers la vente directe. A ce moment-là nous avions désapprouvé.
L’an dernier, Infrata publiait une étude financée par l’Association ETTSA (dont les membres sont les grandes OTA et autres intermédiaires) dans laquelle elle analysait en profondeur le désastre qu’engendrerait pour l’hôtel le fait de remplacer sa vente intermédiée par sa vente directe.
- C’est vrai si on interprète l’affirmation dans un contexte où un hôtel remplace toute sa vente intermédiée. Le rapport d’ETTSA avait bien pris soin de définir cette hypothèse dans son compte-rendu :
Were a hotel to shift their entire inventory (away from the OTA channels to Brand.com), there would be a statistically insignificant change in the overall net contribution**. This shift assumes a net cost*** rebalancing. This also assumes all other market dynamic factors remain the same. (pg 11)
However, a hotel is likely to face a significant drop in occupancy, which would require a material increase in spend in the areas of: customer acquisition, online marketing, technology development and customer services.
- C’est faux car personne n’envisage l’hypothèse de départ au sens strict (que se passerait-il si un hôtel déplaçait vers sa vente directe toute sa distribution intermédiée ?), quelle personne sensée poserait une telle question ?
Pourquoi pas cette autre question tout aussi utopique et spéculative ? (que se passerait-il si tous les hôtels déplaçaient vers leur vente directe toute leur distribution intermédiée ?)
…ou que se passerait-il si une grande partie des hôtels déplaçaient vers leur vente directe toute leur distribution intermédiaire ?
…ou que se passerait-il si tous les hôtels déplaçaient vers leur vente directe une grande partie de leur distribution intermédiaire ?
et surtout, l’hypothèse que nous avançons chez Mirai : que se passerait-il si un quelconque hôtel déplaçait vers sa vente directe une partie de sa distribution intermédiaire (la partie qui ne nécessite pas l’intervention de l’intermédiation et qui lui augmente ses coûts directs) : accepteraient-ils de faire cette analyse ?
6. « Les OTA investissent beaucoup dans mon hôtel »
Aucune OTA n’investit son argent dans le fait de vendre votre hôtel. Il est surprenant de voir comment les OTA ont réussi à faire croire à l’hôtel que cette idée reçue est vraie. La réalité est toute autre.
La clé est de bien différencier les deux types d’investissement qui existent, car les OTA ont recours aux deux, et c’est ce qui crée la confusion.
- Recherches par marque ou par nom d’un hôtel concret ou « comment les OTA investissent votre argent en vendant votre hôtel ». Toutes les OTA font de la publicité en votre nom (aussi bien sur Google Ads que sur les méta-moteurs) mais, bien que ces dernières payent la facture, c’est vous qui le faites en réalité avec les commissions des ventes générées. Toutes ces campagnes sont néfastes pour vous puisque vous pouvez être présent sur ces vitrines avec votre vente directe. Le fait que les OTA occupent cet espace à votre place diminue les ventes de votre canal direct et augmente les coûts de votre vente directe (à cause d’une plus grande concurrence lors des enchères).
- Recherches par destination ou par concept ou « comment les OTA investissent leur argent pour vendre leur marque ». Nous parlons de toute recherche qui n’inclut pas un nom d’hôtel ou de chaîne. Dans ce cas, les OTA sont les vraies dominatrices, et oui cet argent sort de leurs poches mais dans le but exclusif de positionner leur marque et leurs points de vente, ce qui est entièrement compréhensible. Pourquoi une OTA irait faire de la publicité pour votre hôtel lors d’une recherche d’hôtels sur une destination ?
7. « Sans l’effet vitrine des OTA, la vente directe serait condamnée »
- C’est vrai car effectivement il existe un pourcentage indéniable d’utilisateurs qui découvrent l’hôtel sur une OTA et qui finissent par réserver directement auprès de l’établissement. Des études ont été publiées sur le sujet : certaines ont confirmé cet état de fait, d’autres l’ont remis en question. Certains hôtels en ont également fait l’expérience : à court terme, limiter la présence sur les OTA réduit la réalisation de réservations directes.
- C’est faux car les effets vitrine existent dans tous les sens et entre tous les acteurs. Selon Sabre-Phocuswright, la situation inverse est d’importance égale : des clients qui ont puisé les informations sur les sites internet d’hôtels/chaînes mais qui ont terminé leur réservation sur une OTA :
Il n’existe pas de dépendance unique : tous les acteurs sont interdépendants en proportion égale.
Plus encore, dans l’absolu, les OTA dépendent totalement des hôtels pour subsister, alors que le contraire est discutable. Si les OTA n’existaient pas, leur trafic et leur influence se transmettraient à d’autres canaux. Il est difficile d’envisager que les clients cesseraient de voyager. Cela signifie que non seulement leur effet vitrine n’est pas unique, que non seulement ils jouent un rôle limité, mais qu’en plus, il est superflu et changeant.
8. « Il y a de la place pour tous les canaux. C’est au client de choisir » (notre idée reçue préférée)
Qui peut s’opposer au fait de laisser le choix au client ? Où est le mal dans la liberté de choisir ? Pourquoi limiter les choix alors que tous les canaux devraient pouvoir cohabiter en libre concurrence ? Ne serait-il pas plus efficace de collaborer plutôt que de s’affronter ?
Pourquoi chez Mirai recommandons-nous aux hôtels de limiter la présence des OTA sur les méta-moteurs, dans les résultats de Google, ou de limiter les canaux ?
- C’est vrai car différents canaux offrent des propositions de valeur diverses. Nous approuvons le côté positif de présenter le maximum de choix au client et de le laisser prendre la décision.
- C’est faux car différents canaux sur différentes vitrines entraînent également différents coûts pour l’hôtel, cela va de soi. Ce que Mirai propose, c’est d’accorder au client qui choisira un canal moins coûteux, un meilleur tarif final. L’idée ne plaît pas évidemment pas aux OTA : elles y sont opposées, même si elles n’ont plus le choix aujourd’hui depuis la Loi Macron et font facilement pression sur l’hôtel pour disposer du meilleur tarif.
Il n’existe pas de véritable concurrence ni de transparence tant que les OTA tentent de limiter et de contrôler un élément essentiel du marché tel que le prix. Liberté de choix, bien entendu …y compris la liberté du client dans son choix des canaux-vitrines moins coûteux, et le fait qu’il y gagne un tarif plus économique, sur le canal direct normalement.
Conclusion
Il n’y a rien à redire sur le fait que les OTA apportent de la valeur et sont des outils essentiels dans la commercialisation en ligne. Cela n’empêche pas cependant que les nombreux commentaires sur la bienveillance des OTA soient excessivement généreux pour ne pas dire faux. Admettre que ces idées reçues soient vraies indique que quelque chose ne va pas. Le secteur hôtelier doit se montrer plus critique sur la proposition de valeur des OTA et doit remettre en cause chacune des propositions dans le but de ne garder que ce qu’elles apportent de bon sans cesser non plus de se battre contre ce qu’elles enlèvent.