Aude Naveilhan8 minutes de lecture
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Quid de la parité tarifaire ? (partie 1)

bannerUn an après la Loi Macron, qui instaurait, en France, la fin de la parité tarifaire, un sujet qui nous tient particulièrement à cœur chez Mirai, nous avons voulu faire le point et avons demandé à Thomas Yung ( Artiref ) de nous donner sa vision de la situation. Dans ce premier article en 2 parties, Thomas Yung nous rappelle ce qu’il s’est réellement passé et nous donne son avis sur l’opportunité de casser ou non la parité tarifaire.

 Que s’est-il réellement passé à propos de la parité tarifaire ?

Tout a commencé en avril 2015. Booking.com est forcé de faire des propositions pour éviter une procédure juridique. De nombreuses clauses du contrat de collaboration sont considérées comme abusives par les hôteliers. Booking.com propose donc de supprimer la parité tarifaire entre les plateformes et entre les canaux en ligne et hors ligne. La parité tarifaire est maintenue avec le site internet des établissements, mais n’est plus obligatoire par téléphone ou pour la clientèle de passage. Un autre point important est l’abandon de l’article 2.9 des conditions de collaboration qui faisait du voyageur un client Booking.com et interdisait à l’établissement d’avoir une relation marketing/commerciale avec lui. Cette modification de parité tarifaire entre plateformes est transposée à l’échelle européenne, Expedia s’est aligné sur Booking.com et applique les mêmes engagements.

Puis, le 6 aout 2015, la loi Macron est promulguée. C’est un texte de loi fleuve sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le texte contient 308 articles, un peu fourre-tout. Seul un article concerne l’hôtellerie, c’est le 133, il contient une sous-section avec 4 points.
Les 3 éléments à retenir :

  •  Cette loi met fin à tous les contrats entre hôteliers et plateformes de distribution, antérieurs au 6 Août 2015
  • Cette loi redonne à l’hôtelier la liberté de fixer ses prix : “l’hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire étant réputée non écrite.
  • Cette loi impose le contrat de mandat entre distributeurs et hôteliers. Toutes les clauses du contrat sont théoriquement négociables.

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Il est à noter que les établissements participants au programme “hôtels préférés” ont vu leurs conditions de collaboration renforcées. Ils sont encore soumis à la parité tarifaire et ont vu un durcissement de la parité de conditions, de gamme et d’accès au stock.

Bien que la loi Macron ne concerne que les hôtels (c’est écrit noir sur blanc), les OTAs l’appliquent à tous les types d’hébergements.

Les principales OTAs, Booking.com et Expedia n’appliquent pas la loi Macron. Elles ont certes envoyé un email spécifiant qu’un avenant aux conditions de collaboration mettait fin à la parité tarifaire et qu’elles agissaient sous un contrat de mandat. Mais rien d’autre. La loi imposait la signature de ce contrat de mandat, rien n’a été fait.

Les OTAs, au travers de l’ETTSA (European Technology and Travel Services Association), ont évidemment porté l’affaire devant la Commission Européenne pour vérifier si cet article (le 133 de la loi dite Macron) peut entrer dans le droit européen. Il est probable qu’il y en ait pour plusieurs années avant d’avoir une réponse. Ce qui est dommage puisque d’autres pays européens attendent cette décision de la commission pour s’engouffrer, ou pas, dans la réglementation des relations entre OTAs et établissements.

Au niveau européen, le parlement Italien a préparé un texte de loi allant dans le même sens que la loi Macron, il est prêt, il est simplement bloqué au Sénat, les sages attendant la décision de la Commission Européenne. En Allemagne, l’autorité de la concurrence a pris une mesure similaire en décembre 2015 en exigeant de Booking.com le retrait des clauses liées à la parité tarifaire pour le 31 janvier 2016. Le BundesKartellAmt, l’autorité allemande de la concurrence, va cependant plus loin en rendant cette décision applicable même aux établissements du programme “hôtels préférés”.

Faut-il donc casser la parité tarifaire ?

Dans cet environnement, tout bon hôtelier se pose alors la question de l’opportunité de respecter ou pas cette sacro-sainte parité tarifaire. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il n’y a pas de réponse toute faite et que cela dépend principalement de votre établissement et de son environnement. Un hôtel de chaine intégrée ne se posera pas les mêmes questions qu’un indépendant.

Je vois des avantages à ne pas respecter la parité tarifaire. Le fait d’afficher des prix moins chers devrait attirer quelques clients en plus. C’est une brique dans la stratégie de reconquête d’une partie de la clientèle. Ce n’est qu’une brique, peut-être même petite, mais c’en est une. Attention, la reconquête de la clientèle n’est elle-même qu’une partie de la stratégie de commercialisation.

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Il me parait envident qu’il faille être toujours plus sexy en direct. Les hôteliers ne peuvent pas se “battre” sur grand-chose face aux OTAs, alors, qu’ils se battent sur l’essentiel, l’offre et l’humanisation. C’est grâce à la fin des parités (tarifaires, de disponibilité et de gamme) que l’hôtel pourra faire la différence avec les OTAs. Si votre offre est identique entre Booking.com et votre site, alors le voyageur ira réserver sur Booking.com.

Oui, il faut utiliser ce levier, ne serait-ce que pour encourager ceux qui se sont battus pour l’avoir, ne serait-ce que pour continuer à envoyer des messages à l’audience. La fin de la parité a eu un bon écho dans la presse nationale, cela participe aussi à éduquer le client. Et puis utiliser ce levier, c’est montrer aux OTAs que l’on est attentif à ces clauses et qu’on ne lâchera rien. Si personne n’y prête gare, alors il sera plus facile pour les OTAs d’imposer encore et toujours plus. C’est aussi un moyen d’empêcher les OTAs d’utiliser leur fameux “meilleur prix garanti” et autres éléments marketing fallacieux qui ont fait si mal à la profession.

Oui, il faut utiliser la fin de la parité pour améliorer nos relations avec les voyageurs. Réserver en direct, c’est gage d’un meilleur séjour, d’une meilleure prise en compte des besoins et attentes. Si en plus c’est moins cher, alors c’est le client qui sort grand gagnant de la fin de la parité. Mais pour cela, il faut que les hôteliers soient performants et professionnels. Mais pour l’instant il faut bien dire que la plupart des sites Internet sont tout bonnement pourris, que les outils ne sont pas à la hauteur et que dès qu’un outil est bien, il se fait racheter par les OTAs elles-mêmes.

C’est le point crucial, pour bénéficier au mieux de ce levier, il faut que les hôteliers deviennent bons. Il faut un vrai site internet, avec de vrais outils, un vrai moteur de réservation, un calendrier format “big buttons”, un comparateur de prix, un slider et autres réjouissances. C’est aussi en s’engouffrant dans cette bataille que les outils à destination des hôteliers indépendants vont voir le jour et mûrir. C’est aussi par ce chemin que les hôteliers vont prendre conscience de l’importance des outils et vont, espérons-le, évoluer.

Mais attention, la fin de la parité n’est pas une solution ni une fin en soi, ce n’est qu’une étape et, mal utilisée, ça peut être à double tranchant.

N’oublions jamais tout le travail effectué par les OTAs, les hôteliers ont (encore) besoin des OTAs, notamment pour la clientèle hors territoire. Aucun hôtelier français n’est en mesure de démarcher, séduire, attirer les marchés asiatiques. Heureusement les OTAs sont là pour ça. L’idéal, mais ça c’est un vœu pieux, serait de pouvoir choisir les marchés sur lesquels les OTAs commercialisent l’établissement. Laissez-nous notre territoire sur lequel on n’a pas besoin de vous et lâchez-vous sur les marchés que l’on ne connait pas et prenez allègrement 30% à ce moment-là. Après tout c’était le mode de fonctionnement avec les bons vieux TO.

La difficulté avec cette différenciation tarifaire, pour ceux qui l’utilisent, est dans la manière de la mettre en œuvre. Il y a un gros travail de communication, de marketing à réaliser. Afficher simplement “réserver en direct c’est 10% moins cher” c’est un peu prendre le client pour un gogo. Que pensez-vous qu’il va penser si ce n’est que cela fait des années que l’on se goinfre. Ce n’est pas bon dans la relation entre voyageurs et établissements. Le client comprend qu’il a un certain pouvoir à réserver en direct et il va (trop systématiquement) entrer en négociation lors d’une réservation directe. Notre métier va se transformer en négociateur. Et moi qui n’aime pas négocier, qui ai du mal à demander un petit geste, qu’est-ce que je fais, suis-je condamné à réserver sur les OTAs ? D’ailleurs, La campagne de communication “mon hôtel, je l’appelle” est un encouragement à la négociation par téléphone. Pourquoi par téléphone, notamment parce que les outils utilisés actuellement par les hôteliers n’étaient pas taillés pour gérer cette fin de la parité. Ça implique aussi qu’il faut être bon, que dis-je, très bon au téléphone pour pouvoir faire face à ces clients menaçants et négociants. Attendez que Booking.com commence à prendre des réservations par téléphone !

Ce qui me fait dire qu’il faut avancer avec mesure dans l’utilisation de cette fin de parité et le fait que la parité protège aussi les hôteliers. La parité est réciproque. Maintenant qu’il n’y a plus de parité : qu’est ce qui empêche les OTAs de vendre l’hôtel moins cher que son prix affiché en direct ? Il suffit, bien souvent, de rogner un peu sur sa marge. L’actualité de Booking.com me fait peur, Booking.com annonce vouloir encaisser le client pour le compte de l’hôtel. C’est donc la plateforme qui paiera l’hôtel, en net, à la fin de la période. Qu’est ce qui nous garantit que le géant hollandais n’en profitera pas, dans certains cas, pour vendre moins cher quitte à gagner moins, en rognant sur sa commission. Le contrat de mandat, me direz-vous, c’est vrai le contrat de mandat protège l’hôtel dans ce sens. Mais le nouvel article 2.2.4 des CGU de Booking.com l’autorise expressément à accorder une réduction à certains de ses clients. La parité, c’est réciproque !

Sans compter les actions que les OTAs ne manqueront pas de mener vis-à-vis des établissements qui ne jouent pas le jeu, qui cassent de manière ostentatoire la parité. Cela peut aller du déréférencement à une perte de visibilité en passant par la facturation de frais. Si le rôle de l’OTA est uniquement d’apporter de la visibilité pour un hypothétique effet Billboard, alors ce rôle devra être rémunéré. Qu’est ce qui empêche les OTAs de facturer des frais de mise en rayon, des frais de “stockage”, des frais d’achat d’Adwords, etc… après tout, c’est comme cela que ça se passe dans la grande distribution. A trop taper sur ces/ses partenaires, ils vont le faire payer, ils ont besoin de rester rentable (la bonne blague) et si c’est systématiquement moins cher en direct, ils n’ont plus de raison d’être, ils vont mourir (je pousse le bouchon)… et qui va râler lorsque Booking.com aura disparu ?

Voilà les quelques points qui m’encouragent et qui me tempèrent dans l’utilisation de la fin de la parité tarifaire. Mais que va-t-il se passer ? »

Dans un prochain article, Thomas Yung nous exposera les possibles conséquences de la parité tarifaire, pourquoi cela pourrait être vu comme une fausse opportunité et qu’est-ce l’on pourrait alors envisager de faire ?

Une opinion sur ce

  1. Bien que la loi Macron ne concerne que les hôtels (c’est écrit noir sur blanc), les OTAs l’appliquent à tous les types d’hébergements.

    Que risque les chambres d’hôtes et autres établissements qui proposent des tarifs moins chers étant donné que la parité concerne uniquement les hôtels ?

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