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Pendant la pandémie, un grand nombre d’hôtels ont observé que leur vente directe augmentait de manière exponentielle au sein de leur channel mix. Parallèlement, et dans un silence presque total, Booking.com est également parvenu à augmenter ses parts sans grande résistance. Compte tenu de la situation actuelle, où beaucoup de canaux n’apparaissent pas encore, ou dont on ignore s’ils parviendront à être actifs cette saison, Booking.com est devenu le panier où la majorité des œufs de votre distribution sont stockés.
Au cours de cette dernière année, Booking.com a travaillé dur pour remporter cette part importante, et probablement que beaucoup d’hôteliers y ont contribué plus ou moins consciemment. Comment l’OTA y est-elle parvenue ? Nous allons analyser dans ce post certaines des pratiques mises en place par Booking.com et de quelle manière vous pouvez vous en passer.
Paiement en ligne ou comment Booking.com suit l’exemple d’Expedia
S’il y a eu un sujet brûlant entre les hôteliers au cours de ces cinq dernières années, sans aucun doute l’un d’entre eux a tourné autour des célèbres cartes virtuelles de Booking.com et de son Paiement en ligne.
Considéré comme un modèle d’encaissement des tarifs « non-remboursables », profitant de l’illusion de l’argent encaissé et du fait que cela permet le paiement des clients dont les cartes n’étaient pas acceptées par l’établissement, beaucoup d’hôteliers ont décidé de les activer moyennant une bonne dose (supplémentaire) de commission. Une idée brillante jusqu’à ce que, du fait de la pandémie, Booking.com flexibilise les réservations non-remboursables de ses clients de manière unilatérale et que tout cet argent encaissé s’envole. Une chose qui, ne nous y trompons pas, est un avertissement de ce qui pourrait arriver dans le futur.
En donnant un tour de vis supplémentaire, vous pouvez utiliser le paiement en ligne de Booking.com pour recevoir un prépaiement sur vos réservations (qu’elles soient remboursables ou non) et générer du cash-flow pour votre hôtel. Une douce mélodie ? En réalité, cela signifie que Booking.com prend part au modèle merchant, en effectuant l’encaissement de la réservation, clé de la porte d’entrée de la piraterie des prix, en tombant dans la tentation de l’éternel jeu des prix nets vs PVP. C’est-à-dire que si vous jouez avec le modèle de Paiement en ligne de Booking.com, ils joueront avec leur marge pour proposer des tarifs plus avantageux que ceux de votre site internet :
Que ce soit Booking.Basic (non actif en France jusqu’à présent, mais si, en Belgique par exemple) ou Early Payment Benefit, ces deux programmes qui sont capables de jouer les trouble-fêtes en rompant vos tarifs publics, prennent petit à petit de plus en plus d’ampleur et s’éloigne du modèle historique de Booking.com, passant du côté obscure en modèle Merchant. Dans le cas de Early Payment Benefit ce programme est possible uniquement parce que vous avez activé Paiement en ligne sur Booking.
Dans la bataille pour le contrôle de vos tarifs contre Expedia, Hotelbeds et les bed banks, vous ouvrez la porte à un nouveau dangereux adversaire. Êtes-vous complètement sûr de vous?
Hôtel Préféré + : plus haut, plus fort et beaucoup plus cher
Une autre nouveauté que la pandémie nous a apportée est la possibilité (uniquement accessible pour un groupe sélect d’hôtels, selon Booking.com) d’entrer dans son programme flambant neuf Préféré Plus.
Ce n’est pas la première fois que Booking.com nous vend un de ses programmes comme exclusif et limité; Genius est par exemple né dans le même esprit d’être uniquement disponible pour les meilleurs clients. De nos jours, cette exclusivité s’est peu à peu estompée et il n’est plus nécessaire maintenant d’être inscrit pour voir les tarifs Genius (non seulement sur son site internet mais aussi sur celui de tiers).
Cela a l’air très attrayant mais nous allons voir en détail en quoi consiste ce boost du programme Préféré et pourquoi tout ce qui brille n’est pas or :
- Pour 5% de commission supplémentaire (sur le PVP) Booking.com promet une augmentation de visibilité de 74% par rapport à Préféré, et une augmentation de jusqu’à 30% de vos réservations. À en juger par les chiffres, le trafic ne semble pas être très qualitatif.
- Cela n’explique pas comment cela affecte la visibilité de l’hôtel et de quelle manière vous allez y parvenir. Actuellement, sur toute recherche par destination, des hôtels sans l’étiquette “Préféré” apparaissent au-dessus des établissements qui participent aux deux versions du programme.
- En plus de cette commission de 22% (sur le PVP), Booking.com proposera un crédit aux clients qui réserveront votre hôtel pour réserver dans n’importe quel autre établissement proposé par l’OTA. Un plan à toute épreuve. Cela signifie qu’en entrant dans le programme Préféré Plus de Booking.com, vous augmentez la marge de Booking.com et, par conséquent, sa capacité d’améliorer les tarifs de votre établissement avec un impact inférieur sur son bénéfice et, au passage, la fidélisation de VOS clients sur sa plateforme (et non la fidélisation de votre hôtel) à vos dépens.
- À aucun moment Booking.com ne vous indiquera quelles sont les réservations qui ont été générées par cette augmentation de la visibilité, mais l’impact de la commission aura une répercussion sur toute la vente de Booking.com. c’est-à-dire que vous n’avez pas de moyen de mesurer cet investissement en visibilité au sein du canal.
Allez-vous continuer de croire que l’augmentation de 30% des ventes vous sera profitable si celle-ci a un impact sur les ventes directes de votre site internet ?
Tarifs Genius partagés : la mondialisation de vos tarifs
La plupart des établissements ont déjà reçu une notification au cours des derniers jours au sujet de leurs tarifs Genius (de moins en moins opaques) qui seront également disponibles sur les moteurs de réservation de leurs partenaires et membres (agences, autres OTA, compagnies aériennes, etc.).
La nouvelle arrive après l’élargissement de leur programme de tarifs spéciaux à tous ceux qui ont un compte Booking.com. D’après leurs dernières nouvelles, vos tarifs seront désormais disponibles par défaut sur les canaux suivants :
- Groupe Booking Holdings (Priceline, Agoda, etc.)
- Partenaires de Booking.com, comme les moteurs de recherche corporate
- Méta-moteurs comme Google, Kayak ou Trivago
C’est-à-dire que si vous ne prenez pas de mesure, à partir de maintenant, le tarif Genius de votre hôtel sera disponible sur tout le réseau des affiliés et associés de Booking (comme c’est le cas de certaines OTA).
Un exemple disparate de la vie réelle : un client réserve votre hôtel au travers de getaroom.com avec un tarif remisé Genius, et la réservation vous parvient au travers de Booking.com, avec des instructions de paiement en ligne. Nous perdons toute la traçabilité des tarifs de Booking.com et il devient un intermédiaire de plus (et comme chacun d’entre eux, difficile à contrôler).
Rappelez-vous que Genius a 3 niveaux et applique des remises entre 10% et 30% (si vous activez la tarification dynamique). Ces tarifs sont à présent « là-bas ».
Changement de conditions dans le contrat général
C’est sans aucun doute un des changements qui est passé le plus inaperçu pour un grand nombre d’hôtels et qui démontre clairement la manière de procéder de Booking.com face aux moments de crise.
Fin 2020, Booking.com a envoyé à ses clients une modification des conditions générales (également de manière unilatérale) dans laquelle l’entité mettait l’accent sur les clauses relatives à la parité avec le canal direct. Rien de nouveau sous le soleil mais il est intéressant de souligner 3 points :
- Ne s’appliquent pas à des tarifs distribués à d’autres OTA. Booking.com sait que la vente directe est sa rivale et que c’est à ce niveau qu’elle souhaite mettre la bride aux hôtels.
- Ils informent qu’ils vont baisser le PVP sur les réservations de Booking.com « Paiement en ligne » à titre de “récompense”» et qu’ils en assumeront les frais.
- Toutes les clauses relatives à la parité ne s’appliquent pas aux établissements situés dans les pays de parité large ou “Non soumis à une clause de parité, dont font partie la France ou la Belgique – Il y a encore de l’espoir dans le futur pour les pays qui essaient d’en faire partie .
Pendant la pandémie, Booking.com n’a pas eu beaucoup de rivaux pour vendre les établissements. Les seules rivales dangereuses (et qui l’ont dépassé dans certains cas) ont été les ventes directes de l’hôtel (que ce soit via leur site internet, mail ou téléphone). Les nouvelles clauses ouvrent la voie pour protéger leur nouveau modèle d’intermédiaire (en redistribuant les tarifs sur leur réseau et avec un modèle de paiement type agence).
Réservations sans risques : pour Booking.com, bien entendu
C’est une coutume chez Booking.com d’utiliser n’importe quel argument, aussi absurde qu’il soit, à son avantage. S’il existe un point sur lequel la majorité des établissements sont entièrement d’accord en ce qui concerne Booking.com, c’est le taux d’annulation élevé sur le tarif flexible. Si vous ajoutez cela à l’incertitude sur les différents marchés pendant la pandémie et le va-et-vient des prix, les conditions actuelles pour tenter de suivre le rythme des vagues de demande et des coups de frein des clients, vous obtiendrez comme résultat un volume d’annulations écrasant.
C’est dans ce contexte que Booking.com décide de ranimer le programme de réservations sans risques. Déjà début 2020, nous avions expliqué ce programme en détail. La nouveauté réside dans le fait que Booking a décidé d’activer le programme de matière unilatérale dans une multitude d’établissements.
La proposition semble intéressante puisqu’elle prétend garantir l’encaissement des réservations de Booking.com, et donc d’autant plus compte tenu de son taux d’annulation élevé (bien qu’il soit indiqué dans le programme que les clients l’utilisent très peu). Mais c’est notamment pour cela que les établissements intéressés avaient déjà publié des tarifs non-remboursables qui protègent leurs revenus.
Que représente réellement ce programme ?
- Booking.com de manière unilatérale décide que faire avec vos tarifs et vos conditions de vente (dumping et flexibilisation de politique).
- Une grande partie de la vente que vous allez générer sur Booking, vous allez la dérober à votre propre site internet (la demande actuelle est malheureusement limitée, une fois que le client sait dans quel hôtel il va se rendre, cela devient une lutte entre les canaux et vous donnerez une épée à Booking tandis qu’il ne vous restera qu’une fourchette pour la bataille).
- Quasi 100% des ventes de Booking vont entrer en tarifs flexibles aux dépens de votre parité de prix.
- Si une nuitée cesse d’être disponible, cela exempte Booking.com du paiement total de la réservation.
- Votre site internet sera en désavantage par rapport à Booking.com (pas seulement en termes de tarifs mais aussi de politique d’annulation) et tout le travail effectué pendant ces derniers mois tombera à l’eau en peu de temps.
Évaluez s’il n’existe pas une action que vous pourriez réaliser sur votre propre site internet qui puisse vous aider à développer les ventes sans impacter vos tarifs, tout en vous aidant à garder le contrôle de votre stock.
Fidélisation du client Booking.com : objectif final
Cela fait longtemps que Booking.com développe différentes actions pour fidéliser ses (vos) clients. Dans ce post, nous n’abordons qu’une petite partie d’entre elles. Le plus étrange est que le financement de ce club est supporté par les hôteliers eux-mêmes qui aident Booking.com au lieu d’investir dans leur propre programme à un coût beaucoup plus bas, ce qui les aiderait à consolider réellement la relation entre leurs clients et leur établissement.
Voici des exemples vus récemment :
- Crédit pour de futures réservations :
- Codes promo avec remises
- Ou taxis gratuits :
Il est bien sûr légal qu’une plateforme tente de fidéliser ses clients afin de les garder dans le futur. Nous avons toujours affirmé qu’il est plus efficace de gérer et de détourner la demande existante que de créer une nouvelle demande. Mais un grand nombre d’hôteliers ne voient pas le bénéfice d’investir dans leurs propres programmes ou dans des avantages attractifs pour les clients de leur site internet alors qu’ils financent ceux d’entités tierces.
Booking.com est conscient de l’importance de fidéliser le client (sur lequel il veillera toujours plus que sur les établissements) bien qu’il sache qu’il a besoin des établissements pour augmenter ses ventes. Nous avons ainsi vu différentes actions qui prétendent encourager les hôteliers à vendre (encore) plus sur Booking.com :
Économie sur les commissions à chaque inscription que vous déviez vers Booking.com (vous lui facilitez son travail commercial et recrutement pour 200 euros).
Ou des remises sur la commission pendant l’été (qui, rappelons-le, ont déjà été augmenté de 5 points si vous avez accepté de participer au programme Préféré Plus)
En quoi cela consiste-t-il ? Booking.com vous fera une réduction sur les commissions si vous dépassez un objectif de vente. Cette réduction représente 30% de commission sur la différence entre la vente totale et l’objectif de vente pour les mois en question (étrange d’ailleurs que Hôtel Préféré Plus s’applique sur le total et non sur la différence d’augmentation des ventes générées par le programme!).
Une remise sur la commission, cela semble intéressant, mais pour entrer dans le programme, il est nécessaire de remplir deux conditions :
- 10% de remise mobile
- Tarif flexible actif
Booking Holdings, dans ses résultats du quatrième trimestre 2020, a publié que les ⅔ de toutes les roomnights ont été réservés au travers d’un dispositif mobile (en particulier l’application). C’est pourquoi, nous pouvons admettre, qu’en moyenne, ces 66% de ventes peuvent entrer avec une remise mobile. C’est-à-dire que notre tarif mobile est devenu le BAR et le tarif auquel tout le monde a accès, et d’entrée nous le réduisons déjà de 10 %.
Si vous remplissez votre objectif en vendant par le canal mobile à un prix inférieur, il vous aura fallu plus de séjours et votre ADR se verra affecté et, par conséquent, vos revenus. Donc, la question n’est pas combien puis-je économiser sur la facture en entrant dans le programme, mais combien cela va-t-il me coûter d’en faire partie.
Si vous comparez ce que vous pouvez être en train de perdre par rapport aux revenus de votre vente directe, et que vous êtes conscient que les avantages retombent toujours de leur côté, vous vous rendrez compte que ces programmes ne rétribuent réellement que Booking.com.
Quelques solutions à votre portée
Nous avons récemment expliqué certaines actions pour conserver ou augmenter votre vente directe après la pandémie, dont la plupart sont applicables à ce que nous sommes en train d’analyser aujourd’hui. Vous seul pouvez réguler votre relation avec Booking.com et déterminer jusqu’à quel point l’entité va exercer un contrôle sur vos tarifs. Rappelez-vous que, à mesure qu’augmente votre share de vente directe (que ce soit via internet ou au travers d’autres canaux), vous gagnez en indépendance et en contrôle sur votre stocj, en plus d’augmenter les revenus de votre établissement. Notre recommandation par niveaux (nous sommes conscients de la « peur » que représente le fait de mettre en place ces actions) :
- Souhaité : souscrivez à Booking.com exclusivement sur son modèle « Paiement à l’hôtel » et faites abstraction du programme Genius ou Préféré. Il faut que votre site internet dispose toujours des meilleures conditions de vente possibles (remise mobile, différentielle, etc.), un bon club de fidélité et des avantage exclusifs.
- Favorable : désactivez l’option de Paiement en ligne et évitez ainsi que Booking.com effectue du dumping sur votre PVP. Limitez la distribution de vos tarifs au travers d’entités tierces (vous pouvez limiter cette option dans l’extranet, section Programme partenaires Genius / « gérez votre clientèle »). Si vous conservez le programme Genius, fidélisez les clients directs à l’aide d’une remise supérieure. Évaluez si les actions de boost que vous propose Booking se font aux dépens de votre vente directe.
- Minimum. Toute action que vous réalisez avec Booking.com doit être répercutée a minima de la même manière sur votre site web.
Conclusion
Nous vivons un moment d’incertitude sans précédent dans le secteur, en même temps qu’un changement dans le modèle des achats en ligne en raison de la pandémie et Booking.com le sait.
En luttant pour sa propre survie et sa croissance dans la distribution hôtelière, la société n’a pas hésité à sortir sa plus lourde artillerie et profiter du besoin de l’hôtelier au plus fort de la crise. Cela a supposé une augmentation significative du canal dans le channel mix des hôtels, tout en étant, dans la plupart des cas, le numéro un indiscutable, ce qui lui a conféré plus de pouvoir et de liberté pour imposer aux hôtels ses conditions abusives.
Il est compréhensible de toucher à tout ce que nous avons à notre portée pour surmonter la situation de crise actuelle et tenter de générer le plus grand volume de ventes possible. Mais il faut également garder la tête froide et faire les comptes car de petites actions avec un coût d’investissement inférieur sur le canal direct peuvent représenter un bénéfice supérieur. Vous disposez d’outils intéressants au sein de Booking.com que vous pouvez tester mais vous pouvez également les désactiver si cela n’est pas rentable ou ce fait au détriment de votre vente directe. Régulez votre relation avec Booking.com en fonction de vos besoins sans le laisser diriger les ventes de votre établissement, et en réalisant des actions en votre nom que vous êtes capable de faire vous-même avec un coût supporté inférieur.