Pablo Delgado10 minutes de lecture

MCP, le pont qui permettra aux hôtels de concurrencer à l’ère des assistants d’IA et des LLMs

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L’arrivée de l’intelligence artificielle introduit trois disruptions profondes dans la distribution hôtelière et le canal direct :

  1. Langage conversationnel : De nombreux clients préfèrent désormais poser des questions et recevoir des réponses précises et multicanales plutôt que de naviguer sur de longues pages. Proposer un agent d’IA pleinement conversationnel devient de plus en plus important. Notre agent d’IA Sarai répond à ce besoin.
  2. Visibilité dans les assistants d’IA propulsés par des LLMs (Large Language Model) : Contrairement à Google Search, les LLMs tels que GPT, Gemini et Perplexity, n’ont pas publié de critères officiels pour apparaître de manière organique dans leurs résultats. Des notions comme GEO ou AIO sont souvent évoquées, mais en réalité il n’existe pas de méthodologie claire ou scientifique : tout provient de l’expérimentation.
  3. Contenu officiel et capacités agentiques. Le défi stratégique pour les hôtels est double : transmettre aux assistants d’IA qui exploitent ces LLMs un contenu officiel, vérifié et structuré, et activer des capacités agentiques pour que les assistants puissent effectuer des actions au nom du client, comme finaliser une réservation. Ces deux objectifs convergent vers un nouveau composant du stack technologique hôtelier : un serveur MCP.

Pourquoi les LLMs ont-ils désormais besoin de données structurées et fiables ?

Jusqu’à présent, la plupart des contenus stockés ou appris par les LLMs provenaient de grands agrégateurs, de forums comme Reddit, de sites d’avis tels que TripAdvisor ou de médias spécialisés. Si ces informations sont riches, relativement à jour et utiles aux premières étapes de l’entonnoir (inspiration, découverte), elles présentent trois grands problèmes :

  1. Rigueur inégale : Il s’agit de sources tierces, non officielles. Le risque d’inexactitudes est élevé.
  2. Manque de granularité : Plus l’utilisateur avance dans l’entonnoir et se rapproche de la réservation, plus le niveau de détail et de précision devient critique. Les LLMs ne peuvent pas se tromper sur les politiques, les horaires, la disponibilité ou les services.
  3. Risque agentique : Dans des scénarios où le LLM peut agir au nom de l’utilisateur -vérifier la disponibilité, appliquer des règles commerciales, finaliser une réservation-, la marge d’erreur est nulle. Une erreur à ce stade sape directement la confiance de l’utilisateur, ce qui représente un risque très élevé pour les LLM.

Les OTA peuvent servir de rustine temporaire, mais elles ne garantissent pas 100 % des informations réelles d’un hôtel. Le seul acteur capable de s’exprimer à la première personne est l’hôtel lui-même. C’est pourquoi les intérêts de l’hôtel et ceux des assistants d’IA convergent. MCP est précisément le protocole qui permet cet échange.

Ce qu’est un serveur MCP

Quand on parle d’IA, il est utile de distinguer deux couches :

  • Un assistant d’IA (tel que ChatGPT, Gemini ou Claude) est le produit avec lequel l’utilisateur interagit : il gère la conversation, choisit les outils à utiliser et façonne la réponse finale.
  • Un LLM est le moteur sous-jacent (GPT-5.1, Gemini 3, Claude 4…), le modèle mathématique qui génère le texte et le raisonnement, mais qui seul, ne se connecte pas à des systèmes externes et n’orchestre rien.

Un serveur MCP (Model Context Protocol) est une interface qui connecte les systèmes internes de l’hôtel aux assistants d’IA tels que ChatGPT, Gemini, Claude ou Perplexity. Il fournit les données de l’hôtel de manière ordonnée, structurée et sécurisée : contenu officiel, tarifs, disponibilités, politiques, règles commerciales, FAQs et, à terme, capacités de réservation agentiques.

Bien que conceptuellement proche d’une API, la différence clé est que MCP fonctionne comme un standard universel – encore en consolidation -, évitant les intégrations one-to-one et jouant le rôle d’un « USB-C de l’IA ». C’est la façon native de se connecter à l’IA via ses assistants. MCP standard universel connecter mirai

Base de données canonique : des données ordonnées, accessibles et structurées

Avant de penser à MCP, les hôtels doivent résoudre un problème préalable : le désordre. Le contenu est souvent dispersé entre sites web, PDFs, documents internes, emails ou même la mémoire des employés. Cela génère des erreurs, des incohérences et des réponses peu fiables.

La première étape consiste à centraliser toutes les informations dans une base de données canonique – aussi appelée Single Source of Truth (SSOT) -, un référentiel vivant qui inclut :

  • Types de chambres et différences réelles.
  • Services, horaires, politiques et restrictions.
  • Informations détaillées sur la restauration, le spa, les activités et le kids club.
  • FAQs des clients.
  • Procédures internes pertinentes.
  • Informations sur la destination.
  • Disponibilités, tarifs, offres et règles commerciales.
  • Avantages, niveaux et bénéfices du programme de fidélité.

Un hôtel n’aura pas un seul SSOT mais plusieurs. Celui qui regroupe le contenu et les réservations est toutefois le plus critique et doit être construit en premier. C’est cette base qui alimentera le MCP.

À qui confier la construction d’un MCP

Construire un MCP solide suppose d’intégrer deux grands blocs d’informations : tout ce qui concerne les réservations (tarifs, disponibilités, règles, actions transactionnelles) et l’ensemble du contenu opérationnel de l’hôtel (services, politiques, détails pratiques, FAQs, etc.). Tous les prestataires ne sont pas prêts à couvrir ces deux domaines, et comprendre cette distinction est essentiel.

Le moteur de réservation : votre colonne vertébrale

Le moteur de réservation est l’acteur naturel pour piloter la partie transactionnelle du MCP, car il dispose d’une vision complète et autorisée et reste le seul système à maîtriser :

  • Tarifs en temps réel.
  • Disponibilités et inventaire.
  • Règles commerciales complètes.
  • Promotions, restrictions et offres actives.
  • Logique opérationnelle nécessaire aux réservations agentiques.

Des alternatives comme les PMS, channel managers, comparateurs, outils de tarification ou même les métamoteurs, ne peuvent fournir que des solutions partielles : ils connaissent l’inventaire et les tarifs, mais pas l’ensemble des règles, des offres ni la logique de réservation de bout en bout. Ils ne connaissent pas non plus les niveaux du programme de fidélité ni les règles membres.

Déléguer cette partie du MCP en dehors du moteur de réservation crée un risque : construire un MCP incomplet incapable d’évoluer vers de véritables capacités agentiques.

La question non résolue du contenu hôtelier

Quand nous pensons « contenu de l’hôtel », il est tentant d’imaginer que « le site web contient tout ». Ce n’est pas le cas. Les sites ont deux limitations profondes qui les empêchent d’être la base d’un MCP :

  1. Contenu insuffisant : Les sites ne montrent que 5 % à 10 % du contenu opérationnel réel d’un hôtel. Ce qui apparaît est orienté marketing, pas une information opérationnelle exhaustive permettant de répondre à des centaines de questions opérationnelles.website montre partie emergee iceberg mirai
  2. Architecture inadéquate : Les CMS sont conçus pour éditer facilement du contenu, pas pour être interrogés massivement et structurellement par une IA. Ils ne peuvent pas délivrer une information approfondie, organisée ou constamment à jour au niveau requis par un MCP.

Cela ne signifie pas que les prestataires web ne peuvent pas évoluer, mais aujourd’hui ils ne peuvent pas servir de référentiels structurés ni de sources opérationnelles officielles pour l’IA.

Une opportunité pour de nouveaux prestataires spécialisés

La difficulté à définir qui doit résoudre la partie « contenu de l’hôtel » , et le manque de préparation de nombreux moteurs de réservation, ouvre la voie à de nouveaux acteurs spécialisés dans la structuration de grands volumes d’informations hôtelières de manière exhaustive et accessible. Un exemple est Q-Data de Quicktext, qui se positionne comme « La base de données ultime pour vos hôtels ».

Avec le même objectif, et après avoir écarté notre CMS comme outil au service des IA, chez Mirai nous avons construit Intelligence, une base de données canonique conçue explicitement pour capturer, organiser et maintenir toutes les informations opérationnelles pertinentes de l’hôtel et les exposer via MCP à des agents d’IA (comme Sarai) et à des assistants d’IA.

Une approche hybride – moteur de réservation pour la logique transactionnelle + prestataire spécialisé pour le contenu exhaustif – s’impose comme la meilleure combinaison pour répondre aux besoins actuels des LLMs.

La valeur que MCP apporte aujourd’hui (et demain)

MCP n’est pas qu’une « technologie du futur ». À ce jour, il apporte déjà deux bénéfices :

  1. Clients réguliers : De la même manière que les hôtels proposent des applications à leurs clients fidèles, pourquoi ne pas leur offrir un connecteur à installer dans leur assistant d’IA préféré ? Aujourd’hui, seuls Claude, ChatGPT (en mode développement), Perplexity et Grok prennent en charge MCP de façon native ou expérimentale. Google a déjà indiqué qu’il l’intégrerait bientôt à Gemini. Les utilisateurs avancés d’assistants d’IA seraient ravis d’interagir avec leurs hôtels préférés depuis ChatGPT ou Gemini. À ce jour, c’est la seule façon pour un hôtel d’être officiellement présent à l’intérieur d’un assistant d’IA.
  2. Applications tierces : De nouvelles applications grand public, nativement conçues pour l’IA, voient le jour, et beaucoup d’autres suivront. Ce sont des produits qui fonctionnent directement à l’intérieur d’assistants comme ChatGPT ou Gemini, sans avoir besoin d’un site web traditionnel, et qui cherchent à devenir de nouveaux points de visibilité pour les hôtels. Des exemples comme DirectBooker ou Connect AI (The Hotels Network) tentent de se positionner dans ce nouvel environnement et de rivaliser pour capter l’attention des utilisateurs, tout comme le font aujourd’hui les grandes OTA. Disposer d’un serveur MCP permet aux hôtels de se connecter à cette nouvelle demande si ces applications parviennent à séduire les consommateurs dans leur concurrence avec les OTA.

La valeur de MCP aujourd’hui est limitée mais réelle ; la valeur de demain est potentiellement énorme. Le construire maintenant n’est pas un pari, c’est un avantage concurrentiel. Quand les règles de discovery automatique arriveront, l’hôtel doté d’un MCP solide disposera de plusieurs mois d’avance.

  1. Capacités agentiques. Bien qu’encore à un stade précoce, la course agentique entre ChatGPT et Gemini a commencé. MCP est la voie qui permettra aux clients d’interagir directement avec les hôtels, non seulement pour poser des questions, mais aussi pour réserver, demander des factures ou acheter des late check-outs.
  2. Discovery automatique. Aucun assistant (ChatGPT, Gemini, Perplexity) ne propose encore un discovery automatique qui indexe nativement les MCP. Par conséquent, avoir un serveur MCP ne vous « connectera » pas à l’IA. Il n’existe pas non plus de solutions magiques qui « vous connectent aux IA sans intervention de l’utilisateur via un plugin ou un connecteur ». Malgré tout, tous les signaux pointent MCP comme la base du futur discovery automatique. Lorsque les règles seront définies, disposer d’un MCP solide offrira un net avantage.

OpenAI vs Google : un duel de titans

Il y a un mois à peine, ChatGPT a lancé les Apps, un moyen natif d’intégrer des prestataires via le protocole MCP. Le “scraping” du web est terminé. Place à l’intégration directe et au contenu officiel structuré.

Bien que Gemini n’ait pas encore annoncé une prise en charge complète de MCP, Google a explicitement partagé sa feuille de route vers des réservations agentiques pour les vols et les hôtels, ce qui nécessite des intégrations standardisées comme MCP.

Les deux géants de l’IA poursuivent le même objectif : des réservations agentiques. OpenAI dispose de l’avantage du << first movers advantage >> (premier entrant) et, en IA, un seul mois peut valoir de l’or. Cependant, Google possède de nombreuses forces qui manquent encore à OpenAI :

  • Autorité des données via Google Business Profile / My Business, ce qui facilite l’identification et la validation de la source officielle de chaque entreprise.
  • Intégration avec Google Hotel Ads et accès quasi en temps réel à l’inventaire et aux tarifs de milliers d’hôtels.
  • L’expérience, infructueuse mais réelle, de l’ex Book on Google (l’équivalent d’une réservation agentique dans le monde pré-IA). En fait, Gemini affiche déjà, en « AI Mode », des résultats structurés, des tarifs Hotel Ads et des liens vers le canal direct officiel.

Gemini ne doit pas être considéré comme un acteur secondaire, mais comme un concurrent central dans la course au canal direct conversationnel.Gemini AI Mode mirai

La compétition entre ces deux géants sera féroce. Elle dessine un scénario de profonde transformation et d’accélération concurrentielle dans lequel les hôtels ne peuvent pas rester immobiles.

Plan d’action pour les hôtels

Votre objectif, que vous soyez une chaîne ou un hôtel indépendant, doit être de construire un serveur MCP. Un système qui vous représente officiellement au sein des assistants d’IA. Un plan d’action possible :

  • Localiser et organiser l’ensemble du contenu de l’hôtel.
  • Créer une base de données canonique (SSOT).
  • Concevoir et construire le MCP avec les bons prestataires.
  • Offrir des connecteurs pour les assistants d’IA et les applications tierces.
  • Se préparer au futur marketplace et à un éventuel discovery automatique.

Une précision finale pour les puristes : les LLMs ne se connecteront jamais directement à un serveur MCP, car ils n’ont pas de capacités d’exécution. Ce sera toujours l’assistant d’IA – ChatGPT, Gemini, Claude…- qui découvrira, gérera et consultera les MCP en tant que sources officielles. MCP n’alimente pas le modèle de manière autonome aujourd’hui, mais à l’avenir ce sera le mécanisme par lequel les assistants fourniront aux LLMs un contenu officiel et vérifié.LLMs ne se connecteront jamais serveur MCP mirai

Conclusion et réflexion finale sur l’IA agentique

Même si la réservation agentique est un objectif majeur pour OpenAI et Google, chez Mirai nous restons sceptiques quant à son adoption massive à court terme. Le processus de réservation hôtelière est complexe : il requiert la validation de multiples règles, politiques, préférences et nuances qui ne s’inscrivent pas toujours dans une transaction linéaire. La technologie progressera rapidement, mais il faudra du temps avant que les utilisateurs fassent pleinement confiance à un agent d’IA pour prendre la décision finale de réservation en leur nom, si tant est que cela arrive.

Cela dit, les hôtels ne peuvent pas se permettre d’ignorer ce scénario. Ils doivent se préparer en construisant leurs bases de données canoniques (contenu et réservations) et leurs serveurs MCP, tout en laissant, en dernière instance, au client le choix du canal de réservation. Si l’adoption de l’IA agentique s’accélère, les hôtels non préparés pourraient voir leur canal direct relégué. Se préparer n’est pas optionnel : c’est une stratégie.